TDS 2021 : le goût amer de l’inachevé

J’écris ce récit deux ans après l’événement. Pourquoi avoir attendu ?

Cette course a fait l’objet d’un drame, un coureur de nationalité tchèque est décédé. Le fait d’être pris en étau au Passeur de Pralognan pendant (teasing)… Et puis de retour à Paris, je m’étais tourné vers la préparation du Tor des Géants prévu quelques jours plus tard. La page était tournée sur cette épreuve d’une des courses de la semaine UTMB. Et donc pas de récit.

Or deux ans après, au moment où j’écris ces lignes, j’ai la TDS 2023 en ligne de mire. Dans 7 jours exactement je serai sur l’édition 2023.

C’était donc finalement le bon moment pour revenir sur cette TDS 2021, histoire de laisser une trace car les circonstances de cette course me sont restées en mémoire. Cette course m’a terriblement marqué à plus d’un titre. C’était peut être il y a deux ans, mais c’est comme si c’était hier.

En revanche je n’ai plus aucun repère précis concernant les horaires exactes des événements que je décris. Je prie le lecteur de m’en excuser d’avance.

Mercredi 25 août 2021

Ma femme et mes enfants de 4 ans sont avec moi lorsque nous prenons la navette à Chamonix en début d’après midi. Il fait un soleil radieux. Oui la sortie va être belle, à un détail météo près que je n’ai pas vu venir, ni préparé.

Pour les enfants c’est la première fois qu’ils prennent le tunnel du Mont-Blanc (« c’est le plus long de France et d’Italie » leur dis-je). Ils sont un peu angoissés de rester dans ce boyau aussi longtemps. Nous devons porter le masque anti-Covid dans le bus. Et comme toujours je me sens un peu patraque dans les transports.

Nous arrivons à Courmayeur, nous descendons du bus qui en fait nous a conduits au bas de la station et non au Centre Sportif de Dolonnes. Nous sommes perdus comme tous les autres coureur. C’est où le départ ?

Et bien il faut marcher presque 1 km pour arriver au Centre Sportif en plein cagnard avec deux enfants de 4 ans qui commencent un peu à trépigner. Ma fille « on arrive à quelle heure ? ». « Euh, bientôt » ma réponse systématique qui ne veut rien dire mais qui a le mérite de lui convenir.

Finalement c’est fourbus que nous arrivons au grand parking. Je laisse mon sac de change. Ouf il y a une cafétéria pour se reposer et charger les batteries. Nous allons prendre un cappuccino qui va me faire un bien terrible. Il doit être 16 heures environ. Je fais partie de la deuxième vague prévue à 17 heures ?

Un cappuccino bien corsé qui fait du bien. NB : malgré son port du bracelet ma fille ne prendra pas le départ de la TDS.

Nous assistons en famille au départ de la première vague. J’ai la chaire de poule, la musique de départ (Bo du film Robin des Bois) est magnifique. Franchement je suis conquis et autant vous le dire « j’ai les poils » 🙂 (Private joke). C’est saisissant de voir cette première vague s’élancer.

15 minutes plus tard c’est à mon tour. Je me faufile dans le peloton, je crois que nous devons avancer masqués (mesures anti-Covid oblige). Je ne vais pas avoir la même émotion qu’en tant que spectateur 15 minutes plus tôt, plutôt concentré sur le fait de gicler des « startings blocks » (c’est mon ancien passé de sprinter en Athlétisme qui revient :-). Enfin la musique et puis c’est parti.

Au moment de franchir la ligne de départ je me déporte sur la gauche pour saluer mes supporters en herbe. Nous attaquons une première montée sur un chemin de 4*4 assez facile. Je suis heureux de faire le constat dès le départ que j’ai vraiment « le guane ». Je monte super aisément. L’entraînement hyper intense de tout l’été a vraiment payé. Reminder : j’ai abandonné sur l’X-Alpine 6 semaines plus tôt pour contracture à la cuisse juste après Bourg Saint Pierre.

Sur ce chemin je ne vais que remonter du monde. Il fait beau, pas trop chaud, les sensations au top. Que du bonheur ! J’ai même une coureuse qui me reconnaît « Grégo c’est toi ! » 🙂 Après le single track en direction de l’arrête du Mont Favre j’ai le souvenir d’une longue descente sur un chemin en 4*4. J’ai une pèche comme jamais, des jambes et cuisses en béton. Je cours assez vite et continue à dépasser quelques coureurs. Mais assez vite, le ciel s’obscurcit. Je n’avais pas vraiment prévu cela.

La nuit va assez vite tomber…une pluie diluvienne aussi. Le premier cauchemar peut commencer.

Pour l’instant ce ne sont que quelques gouttes, j’espère que cela va très vite s’arrêter ce truc. Je mets juste ma GoreTex. Sauf que, sauf que… ce n’est pas une petite pluie, ce sont des trombes d’eau qui me tombent dessus. Mais c’est quoi ce truc ? Il commence à faire nuit, on passe dans une portion arborée, quand nous en sortons c’est l’enfer. C’est catastrophique, j’ai fait l’erreur de ne pas couvrir mes jambes, mon short complètement détrempé par capillarité va mouiller mon TShirt. Je commence très très vite à avoir très froid. Le spectre de l’abandon de la SaintéLyon 2019 ressurgit. Bon sang ! Comment ne pas avoir capitalisé sur cet échec ?

Première épreuve : celle de l’eau

Le parcours longe un lac juste avant le col du Petit Saint Bernard, c’est un souvenir terrible, il pleut, il fait noir (ou presque), j’ai froid et n’ai pas d’autre choix que d’avancer. Je suis dans un tel désarroi que je n’ai pas la force de m’arrêter pour prendre ma frontale, j’ai les mains complètement gelées. Si je le pouvais, je quitterais cette course pour un peu de réconfort, de la chaleur. Je suis dans un état d’hypothermie déjà bien avancé lorsque nous devons contourner le lac et remonter dans des bruyères (je crois), je dois me rattraper aux branches pour ne pas tomber. Je titube et toujours pas de frontale alors je suis un concurrent devant moi. Il est impératif d’arriver au prochain ravito du col car je suis en alerte rouge !

Il était temps, le réconfort est là. Enfin sous les tentes, par terre c’est tout détrempé comme le sont les coureurs. Et quant à moi je suis dans un tout petit état. Je dois tout enlever, me dévêtir de tout ce qui me colle à la peau telle une pellicule d’eau glacée (c’est à dire tout ; sauf le boxer). Quand on est dans un état d’hypothermie on se sent tout rouillé, les gestes sont lents et imprécis. Par ailleurs essayer d’enlever du textile imbibé de flotte qui vous enveloppe telle de la colle c’est juste impossible ! Autour de moi des coureurs qui claquent des dents comme moi. Il va me falloir plusieurs dizaines de minutes pour arriver à mes fins : mettre ma deuxième couche à même la peau, mettre mon pantalon Gore Tex mais mon boxer et mes chaussettes resteront mouillés et froids. C’est toujours en claquant des dents que je me dirige vers la table du ravito, je ne peux pas repartir dans cet état il faut que je me réchauffe en ingérant des calories, c’est ma stratégie. Je commence par une barre à céréales pour oiseaux, puis une deuxième, une troisième (combien encore ?)…un bouillon aussi. C’est assez long mais j’arrive à mes fins, je me sens un peu mieux. J’appelle ma femme pour lui dire que je suis toujours coincé au ravito et qu’il ne faut pas s’inquiéter.

Enfin je repars dans une descente en direction de Séez et Bourg Saint Maurice. Et là je ressens un bien être énorme car il s’est arrêté de pleuvoir et que je ressens la dopamine me submerger car les bonnes sensations reviennent. Un plaisir très intense de repartir et de se remettre en jambe. Mon arrêt au ravito du col du Petit Saint Bernard est estimé à près d’une heure

La descente vers Bourg Saint Maurice ressemble à une renaissance. Je suis enthousiasme, un peu trop, au ravito de Séez quand je salue et remercie les bénévoles. Ce sont les effets des endorphines.

J’arrive à Bourg Saint Maurice et cela fait environ 8 heures que je suis en course. Après le ravito que l’on vient d’avoir je me demande ce que je dois y faire. C’est dingue comme je ne sais pas gérer les ravitos/bases vie. Mon activité favorite ne sachant pas trop quoi faire : « je jardine ». Je fais un inutile tour de la grande salle de gymnase à la recherche de ce je ne sais quoi à côté duquel je serais passé. Bref, j’y perds mon temps en bonne et due forme (bien noter pour la TDS 2023 : à BSM on « file tout droit, y’a rien à voir ») d’autant plus que mes gourdes sont remplies depuis Séez.

Deuxième épreuve : celle du feu (ou de l’absence de chaleur)

Et c’est parti pour cette très longue (la grande difficulté ascensionnelle de la TDS) montée qui a pour point culminant le Passeur de Pralognan. Il doit être plus de 22 heures (?) quand je quitte BSM. J’ai vraiment de bonnes sensations. Le temps est sec, très sec. Arrivé aux alentours du Fort de la Platte cela grimpe très très sèchement (je ne sais plus si c’est juste avant ou juste après). J’ai le souvenir de la marchande de sodas à 3 euros pièce qui fait son petit commerce. Et on repart pour la dernière partie de cette ascension. Je suis dans la roue d’un autre coureur, on longe un tout petit lac et à ce moment nous nous arrêtons pour lever la tête et voir le passage d’un hélicoptère qui va en direction de BSM. Je ne sais plus quelle heure il est (1 h du mat ?). Pas trop de mal à deviner qu’il vient de prendre un coureur blessé pour le descendre à BMS. (NB : Nous comprendrons rétrospectivement qu’il s’agit du coureur tchèque qui est décédé). Après une petite descente gentille, le paysage semble magnifique et j’en aurais la confirmation dans le sens contraire de plein jour (mais je ne le sais pas encore)…

On sent que c’est bientôt la fin du la montée. Nous voyons des grappes de coureurs assis sur le sol, de la lumière artificielle, il y a même un feu allumé. Je ne comprends pas bien ce qu’il se passe ici là haut. Je me retrouve à attendre dans une file d’attente (il doit être 2 heures du matin). Une brise qui fait bien froid nous transperce les os. Mais que se passe-t-il ? Nous nous parlons entre coureurs pour faire le constat suivant :

1/ En fait nous sommes à quelques dizaines de mètres du Passeur de Pralognan (2400 mètres d’altitude).

2/ Il y a eu un accident d’un coureur juste après le passage.

3/ Des personnes de l’organisation font désormais passer au compte goutte les coureurs à un rythme lent… très lent.

4/ Derrière moi je ne peux que constater que la file d’attente s’allonge à un rythme qui est beaucoup plus rapide que le flux de coureurs passant de l’autre côté du col !

Cela fait une demi heure que nous sommes à l’arrêt et …. on n’a pas avancé de 10 mètres ! On commence à avoir très très froid. J’ai le souvenir de bénévoles de l’organisation venir prendre des nouvelles pour identifier les personnes qui ont impérativement besoin d’attendre près de la source de chaleur du feu. La rumeur se propage selon laquelle le coureur aurait décédé sur place avant d’être évacué en hélico.

Et puis nous apprenons par les bénévoles que la course est arrêtée et que nous devons revenir à BSM par le même chemin en sens inverse.

Nous prenons acte de la décision. Le contexte est juste dramatique donc personne n’a d’état d’âmes sur le fait d’arrêter la course. Cela semble à tout le monde tout à fait légitime.

Il fait froid, tout le monde sort sa couverture de survie. Nous nous retournons pour repartir, sauf que c’est très bizarre… on n’avance pas non plus dans le sens de la descente. Et là il va falloir prendre conscience que nous allons rester coincés comme des rats pendant un temps indéterminé qui va durer en ce qui me concerne près de 4 heures mis bout à bout alors que je commence à claquer une nouvelle fois des dents. Il doit être 2h30 / 3 heures du matin ? Bon sang, nous sommes beaucoup à être livides. Je dois trouver des stratégies pour me réchauffer, je sautille ? Non il y a de l’air froid qui passe entre mes jambes. Et puis une couverture de survie c’est très fragile il ne faudrait pas la déchirer. Une des meilleures stratégies est de se mettre accroupie mais au bout de quelques minutes cela n’est pas tenable, j’ai des crampes et dois me relever et j’ai encore plus froid. Comme le temps passe lentement quand on est coincé et que l’on a froid et que personne n’avance. C’est un calvaire sans nom. La coureuse derrière moi est blanche comme un pince à linge, je n’ose pas lui demande si elle a besoin de quelque chose, je ne peux absolument rien faire pour mes congénères. C’est struggle for life, j’ai juste besoin d’une épaisse et énorme couverture SVP !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Il est 4 heures du matin, on a avancé de 5 mètres en 1 heure, c’est juste pathétique.

Il est 5 heures du matin, j’essaie de percevoir l’aube, quelques rayons SVP pour nous réchauffer juste un tit peu !!!!!!! Un calvaire.

J’ai le souvenir d’un coureur polonais qui n’en peut plus, il est fou, il veut quitter la file d’attente pour aller tout droit dans le fossé et prendre la tangente. Il y arrivera je crois avec l’aide d’un de ses congénères….

Enfin ! Je crois que mon tour est arrivé, il doit être 6h30 quand j’aperçois ce passage hyper technique où l’on fait passer les coureurs au compte goutte avec une corde tenue autour de la taille par un bénévole de l’assistance de la course. Merci à lui, je le salue. Je savoure ma libération. La lumière du jour arrive en même temps. Elle réchauffe les âmes et…mes jambes.

La suite ?

Nous nous dispersons très rapidement. Les rythmes de course de chacun sont très différents. Tout le monde est cuit moralement et physiquement par cette nuit de dingue que l’on vient de vivre.

Le soleil tape très vite. On sent une chaleur caniculaire percer. J’ai le souvenir de courir avec deux jeunes super en jambe. Fort de la Platte dans le sens inverse, cela pique. Un des parents de ces coureurs nous ramassera en voitures à quelques encablures de BSM pour nous conduire directement au gymnase de BSM où nous attendront des navettes.

C’est donc un peu groggy que je prends la navette (à midi ?) qui nous ramène à Chamonix.

J’apprends que la course s’est poursuivie pour les coureurs ayant passé le col. Ce n’est pas ce que j’avais compris initialement (course arrêtée pour tout le monde). Mais tant mieux pour eux. Il faudra peut être juste éviter d’exulter sur la ligne d’arrivée tel un Platini après son pénalty réussi devant Liverpool alors que plus de 40 cadavres longent les trottoirs du stade du Heysel. Des fois que la famille du coureur décédé tchèque tombe sur les images…

EPILOGUE

1/ L’organisation nous envoie un message le lendemain pour nous dire que tous les coureurs ayant passé BSM seront classés sur le format Courmayeur / Bourg Saint Maurice. Mon chrono est de 8h12 pour un score ITRA de 567.

2/ A ce titre l’organisation nous informe que le Tshirt de finisher nous est également destiné. Je n’irai pas le chercher car je ne suis pas finisher de la TDS 2021.

3/ Mes enfants l’après midi participeront à la Mini OCC (ils appellent cela la « Mini UTMB »). C’est leur première course. Je suis là pour les encourager.

Conclusion : Mes enfants vous avez performé et avez franchi la ligne d’arrivée, comme je suis fier. Les vrais finishers de la famille ce sont eux !

Trans Aubrac 2023 : Pour mes 50 ans, un Ultra « bien mouillé » sinon rien

22 avril 2023 : 50 ans et toutes mes jambes

Je ne pouvais pas manquer l’occasion de marquer le coup en courant un Ultra le jour d’un anniversaire qui marque le passage vers les quinquas. Et c’est donc en famille avec femme et enfants que nous prenons la direction de Rodez en avion (oui je sais c’est mal, mais c’était l’occasion d’un baptême de l’air pour mes enfants).

Arrivés à Saint Geniez d’Olt nous faisons le constat qu’il faudra profiter de ces rayons de soleils lorsque nous pénétrons dans le centre culturel pour le retrait des dossards. Ce seront les seuls du séjour.

Les prévisions météo pour le jour du départ sont de plus en plus mauvaises. Il pleuvra c’est certain, cela sera une édition compliquée sans aucun doute.

Un départ en fanfare ce samedi matin 6 heures au pied du château de Bertholène

Un réveil à 3 heures du matin je sors de la résidence Goélia à 3h30 en laissant femme et enfants qui dorment à poings fermés. Je croise 3 traileurs qui comme moi se rendent au départ du bus sur le parking du gymnase. Je leur demande s’ils peuvent me conduire jusqu’au départ des navettes (situé à 800 mètres). Je m’entends dire « pas possible on n’a que 3 places dans notre voiture ». Pas de problème je ferai les 800 mètres à pieds en passant devant le magnifique château de la Falque.

Départ de la navette à 4h15 comme prévu pour 30 minutes de lacets où je manque de vomir à plusieurs reprises. Arrivé au gymnase de Bertholène pour l’attente finale qui durera moins d’une heure. Finalement je ferai parti des 10 derniers à monter les escaliers qui mènent sur les parvis du château et…c’est une grosse erreur. Il y a un bouchon sur ce single track nous empêchant d’arriver à l’heure dans le sas du départ. Finalement je me faufile, et arrive dans le pack, le départ est retardé de quelques minutes pour permettre à tout le monde de s’entasser. Il ne fait pas vraiment froid. On est bien. La pluie c’est pour plus tard. Je reste en T-shirt sans même avoir besoin de la Gore Tex à la Mickey (c’est pour plus tard). Attention de ne pas dénigrer la Gore Tex Shake Dry à 250 g (et autant en euro) : c’est ce qui va me permettre de terminer cette course qui va en user plus d’un.

Autant le dire tout de suite cette Trans Aubrac 105 kms va connaître un taux d’abandon aussi élevé qu’une course beaucoup plus difficile (l’X-Alpine 2022) avec 44% de coureurs qui ne franchiront pas la ligne finale ! Certes…le niveau des coureurs n’est pas le même sur les deux courses (qualité de l’échantillon différent donc des chiffres non comparables).

Revenons à la course. J’arrive à me faufiler pour partir dans les premières lignes en laissant derrière moi l’embrasement et le feu d’artifice de Bertholène, il fallait faire un choix.

La vitesse de départ n’est pas loin de celle d’un semi marathon, c’est normal, le chemin de 4*4 est très roulant parfois en légère descente. L’aube pointe son nez. J’aime beaucoup cette première partie, belle et plutôt agréable à courir. De magnifiques villages (plutôt des bourgs) sont traversés. Et puis il y a cette très technique descente sur Saint Come d’Olt : village qui est sur le tracé du chemin de St Jacques de Compostelle, quelques coquilles gravées sur la rue sont là pour nous le rappeler. J’ai plutôt le guane, certes cela ne va pas durer, mais ça on le sait tous !

Saint Come d’Olt, km 23, il est 8h33 après 2h26 de course, clt. 88

Ce n’est pas le moment de perdre trop de temps, on fait au plus vite, on sort et puis…on se rend compte que l’on a oublié ses gants après 50 mètres ! Demi-tour, on peste, on cherche ses gants, on les retrouve et c’est reparti dans l’autre sens. Le genre de truc qui vous énerve alors que l’on avait super bien fine tuné la pause ravito à la seconde près, tout est annulé par un oubli de matériel. Je déteste cette montée qui vous casse les pattes à la sortie du ravito de Saint-Côme. Car oui je pense que cette partie entre ce ravito et Laguiole est bien la partie la plus difficile de cet Ultra. Il faut prendre son mal en patience car les montées sont là pour vous démoraliser. C’est « courable mais comme on est fatigué de relancer, on ne court pas, et on est démoralisé ». Au moins quand c’est du D+ à 10/15% pas d’état d’âmes à marcher en revanche quand c’est en léger faux plats et que l’on a du mal à relancer c’est assez éprouvant pour son self estime. Les portions sur bitumes sont les plus terribles, je devrais être capable de courir et bien non. Ce n’est pas un jour avec. Il faudra que je m’y fasse jusqu’à la fin.

L’abbaye de Bonneval, km 32, il est 10h04 après 3h56 de course, clt. 106

La chute dans le classement dit tout. Je me suis bien fait dépasser sur cette partie. A noter que le temps est toujours bien sec, et qu’il n’est pas encore temps de sortir la Gore Tex même si on sent que le ciel commence à être menaçant, au moins le soleil n’est pas brûlant, il est inexistant.

Je me répète mais cette partie jusqu’à la Vitarelle est encore plus dure que la précédente. Je n’ai plus de jus. J’ai soif. Sur la toute dernière partie bitumée jusqu’à la Vitarelle j’ai pour habitude de courir devant les nombreux supporters parce que marcher cela ne se fait pas, et bien autant le dire je marche et si vous n’êtes pas content c’est pareil !

La Vitarelle, km 42, il est 11h41 après 5h33 de course, clt. 115

Encore un glissement au classement général qui en dit long sur l’état de forme de votre serviteur. Merci pour les citernes d’eau qui font du bien. Le reste du chemin (des chemins caillouteux entre des prés protégés de barbelés) est parfois technique avec de gros cailloux et de la boue pour vous fouler les chevilles. J’ai beau connaître par cœur cette Trans Aubrac (7ième participation) j’ai toujours autant de mal à apprécier le temps qu’il faut pour arriver à Laguiole : c’est Lonnnnnnnnnnnnnng.

La pluie commence à tomber : attention c’est la stratégie Gore Tex de la tête aux pieds qu’il faut impérativement mettre en œuvre. Cette pluie qui commence à tomber n’arrêtera plus du tout jusqu’à l’arrivée … dans la résidence Goélia lorsque je rentrerai avec mon sac de change et le cadeau finisher sur le dos à 22 heures.

En quittant le chemin de terre et en mettant le pied sur le bitume de Laguiole ma famille est présente pour m’accompagner jusqu’au gymnase. Nous prenons notre temps d’autant que mes jumeaux ont 5 ans mais ne marchent pas encore à 5kms / heure. Arrivés au gymnase c’est un peu la cour des miracles car beaucoup de coureurs sont trempés, c’est parfois détrempé par terre. Je dois me changer pour mettre un autre T-shirt, manger et manger encore. Il pleut de plus en plus et j’ai de moins en moins envie de sortir de ce ravito pour aller courir.

Laguiole, km 53, il est 13h49 après 7h42 de course, clt. 115

la photo d’une tête de gagnant

Dans le ravito gymnase, toute la famille est là. Je me change pour un Tshirt. J’enlève mon cuissard pour rester en slip et j’ajoute mon pantalon décathlon imperméabilisé à 80 euros qui demeure mon meilleur achat de course à pied de ces 10 dernières années (il a vu l’UTMB, le Tor, des STL) car il m’a permis de prévenir l’hypothermie lors des toutes ces courses, et ma veste Gore Tex Shake Dry à la Mickey ; vous savez celui qui ressemble à un sac poubelle ! Donc oui pour le haut, seulement un T-shirt et une gore tex. J’ai bien appris la leçon des experts de la Croix Rouge lors de mon hypothermie en 2019 sur la SaintéLyon : ce qu’il faut éviter à tout prix c’est d’être mouillé de l’intérieur ! Ne jamais avoir un textile détrempé à même la peau. Tout faire pour éviter cela !!!! Donc l’idéal cela serait d’être à poil sous une gore tex…sauf que cela frotte sur la peau, donc on met juste un T-shirt. Le piège ? Vouloir être trop protégé par des textiles qui vous feront transpirer et qui feront que vous serez mouillé « de l’intérieur ». Merci la Croix Rouge pour cette leçon qui me permettra durant la TDS, le Tor et la STL de ne jamais plus mettre le clignotant.

A la sortie du ravito mes enfants me suivent à la semelle et si j’accélère un peu trop, ma fille pleure de me voir prendre de la distance. Je dois rester avec eux et mon épouse qui est un peu plus loin derrière nous. Il pleut des cordes. Cela dit au rythme d’escargot de la famille il faut quand même un moment envisager de nous quitter malgré l’insistance de ma fille, 5 ans, qui a pris la ferme décision de terminer l’Ultra en ma compagnie. J’entrevois la coutellerie que nous allons traverser et je me dis que c’est le lieu idoine pour les divertir et leur permettre d’attirer leur attention.

Enfin, mes enfants sont occupés par le forgeron qui forgeronne des couteaux de Laguiole. Je peux prendre mon envol (enfin….euh je peux me remettre à marcher à un rythme de sénateur). Le pluie est plutôt fine mais elle requiert d’être complètement habillé des jambes à la tête d’un revêtement waterproof.

Le paysage est toujours le même, mais même sous la pluie c’est joli. J’ai la chance de revoir mes enfants des heures et kilomètres plus loin à environ une heure du buron des Buals à l’intersection d’une route. Ma fille veut encore me courir après ! Ce sont des pleurs qui s’ajoutent à la pluie. Heureusement qu’une bénévole est là pour l’intercepter car ma fille traverse la route alors que des voitures sont en train de passer : petit moment de frayeur.

Buron des Bouals, km 73, il est 17h38 après 11h31 de course, clt. 116

C’est le fameux Buron au ravito 3 étoiles sauf qu’arriver à 17h38, il n’y a plus rien de 3 étoiles à se mettre sous la dent. De toute manière avec le temps infernal et cette ambiance de cour des miracles hyper humide il ne faut surtout pas traîner dans ce trou à « abandonners » (à prononcer comme la terminaison de « finisher »). En effet de nombreux coureurs sont en train de se dépoiler complètement mouillés pour ne plus jamais repartir. Vite, vite, je dois déguerpir et affronter les bourrasque de flottes. Et évidemment alors même que je ne suis pas resté plus de 10 minutes, je sens le coup de froid en sortant. Vite il faut courir dans cette descente boueuse et caillouteuse pour me réchauffer, et surtout essayer de sécher sous ma Gore Tex. Au niveau d’Aubrac là où le sentier remonte légèrement pour aller sur la route mon fils qui est derrière la vitre du restaurant/salon de thé me fait signe, quel bonheur de voir sa bouille. La famille est bien à l’abris en train, j’imagine, de siroter quelque chose de chaud. Je leur fais un signe mais continue mon chemin. Je ne les reverrai que tard dans la soirée en rentrant à la Résidence Goélia une fois l’épreuve terminée. Cela me donne un élan incroyable pour continuer cette lutte contre les éléments.

On remonte une dernière fois sur les hauts plateaux pour dire au revoir à l’Aubrac et amorcer la descente sur Saint Geniez d’Olt non sans avoir traversé au préalable une descente singulière dont tous les coureurs se rappellent : à savoir une descente le long d’un fil barbelé dans les tourbières. La technique de course à adopter : surtout ne pas vouloir faire le funambule, tant pis, il faut aller tout droit même si on a de l’eau jusqu’au genou.

Enfin je quitte les plateaux pour une longue descente sur une piste bitumée ou gravillonnée (je ne sais plus) pour laisser définitivement l’Aubrac derrière soi. La pluie est toujours là, incessante : parfois très drue parfois légère. On quitte la piste pour piquer vers la forêt sur la droite.

Cascade de Lacessat, km 87, il est 19h10 après 13h03 de course, clt. 105

Juste après cette cascade c’est un décor de marécage sur quelques mètres. J’alterne petit trot (parfois), et marche à pied (surtout). On va traverser ce passage tellement inoubliable des rizières du Mékong après avoir traversé la rivière avec l’aide d’une corde qui ne me sert à rien, je glisse et me retrouve avec de l’eau jusqu’à mi cuisse. Un vrai bonheur. C’est la partie la plus héroïque de cet Ultra qui se transforme l’espace de quelques dizaines de minutes en aventure extrême dans les marécages. Je me souviens d’un changement de parcours puisque nous suivons une piste de 4*4 plutôt carrossable que nous n’avions jamais emprunté dans aucune des autres éditions.

Je trouve le temps très long, comme si des kms avaient été rajoutés à la suite de ce nouveau parcours.

C’est la nuit lorsque j’arrive au magnifique village de St Martin de Montbon, j’ai trop tardé à mettre la frontale, je ressens une fatigue oculaire. J’aime beaucoup cet endroit qui marque un point d’inflexion de cet Ultra. Il reste juste une petit côte très ardue et ensuite c’est presque fini.

Saint Martin de Montbon, km 98, il est 21h07 après 14h59 de course, clt. 103

Juste cette petit côte de la mort qui tue, toute petite et ensuite c’est un chemin de plateau qui est très courable, de jour. La nuit c’est quand même toujours assez compliqué. Je sens vraiment sur cette partie du parcours que je ne suis pas en jambe. D’habitude je cours toute la portion. Cette fois-ci je n’ai pas l’énergie (pas le guane). Je me fais dépasser même par des minettes (des relayeuses… certes). Mais j’en ai un peu marre de devoir faire attention à ne pas glisser sur ce terrain miné. Et cette pluie qui n’en finit plus … J’essaie de manger pour me requinquer, mais rien n’y fait. C’est plus long que d’habitude cette portion.

Enfin la descente ultime, puis le sentier le long du Lot. C’est bientôt la délivrance, c’est bientôt plié. La fameuse bâtisse sur notre gauche avec cette énorme cheminée, c’est l’entrée dans Saint Geniez d’Olt. On ne peut pas dire que les derniers hectomètres avec cette traversée du camping bungalow soit la plus glamour du parcours, on va même l’avouer maintenant, c’est la portion la plus moche de tout cet Ultra et ce sont les derniers 300 mètres.

J’attends juste à l’entrée du gymnase que mes enfants/épouse me fassent signe. Or je vais apprendre que finalement ils m’attendent à la résidence. Je me fais dépasser par un autre coureur alors que je suis à l’arrêt devant l’entrée du gymnase surchauffé. Zut, cela va me coûter la 101ièm place ! Je rate le « one ô one » pour avoir attendu mes enfants qui n’étaient finalement pas là.

Remarquez j’ai 50 ans aujourd’hui même, ce 22 avril 2023, et finisher d’un 105 kms, j’ai un peu plus d’expérience que celle d’un coureur d’Ultra « one ô one ». Cela n’aurait pas eu de sens.

Les chiffres :

Finisher en 16 heures 13 minutes

Classement : 102ièm vs 241 finishers (soit 42%) vs 426 partants (soit 24%)

Taux d’abandon au scratch : 43% (taux d’abandon record pour la Trans Aubrac 105)

Catégorie V2H : 10ièm vs 48 finishers vs 101 partants (taux d’abandon de 52%)

Le point sur la préparation à l’X-Alpine 2023

Job done !

Aujourd’hui mardi 4 juillet je suis en pleine semaine de tapering. J’ai fait un petit jogg ce matin pour caler la tension de mon sac de trail. La course c’est dans 3 jours, le 7 juillet 2023 à 22 heures.

La préparation est terminée.

Ce travail de préparation étalé sur 4 semaines est en ligne avec les précédentes éditions me permettant d’être finisher. Je ne pouvais pas faire plus.

En quelques mots le bilan sur 4 semaines est le suivant :

  • 95 kms / semaine
  • 9 heures de running / semaine
  • en 6 séances en moyenne
  • 64 kgs est mon nouveau poids de forme

Quel objectif ?

Voici ci-dessous la synthèse de mes 6 dernières X-Alpines déjà courues :

J’en tire quoi ?

L’année dernière qui correspond au nouveau parcours 100M, j’ai terminé en 32 heures 24 minutes alors que j’étais en état de convalescence, j’avais couru la tête dans le gaz jusqu’à Bourg Saint Pierre. Je peux donc raisonnablement m’attendre à faire mieux.

Oui mais mieux de combien ?

Raisonnablement en dessous des 32 heures qui est la fair value.

Un objectif ambitieux mais réaliste serait donc 31 heures.

Rendez-vous à dimanche matin. Et pour tous les concurrents je vous souhaite une excellente course sur ce parcours très exigeant, qui me fait toujours peur, mais exceptionnel.

Récit de course : La SaintéLyon 2022

Il s’agit de ma douzième SaintéLyon consécutive. Le temps passe vite, les SaintéLyon défilent sans jamais être les mêmes. Peut-être que ma mémoire vacille aussi car j’ai toujours l’impression que la dernière est la plus difficile à l’exception de celle courue en 2021 où les conditions atmosphériques et esthétiques en avait faites ma plus belle édition ever !

2021 : la plus belle édition et la plus « facile » pour moi.

2022 : la plus technique selon moi.

Je mets de côté la dantesque édition 2019 où j’avais dû abandonner complètement frigorifié avec la couverture de survie sous une tente de la Croix Rouge à Saint Genou.

Bref, au fur et à mesure des SaintéLyon on a toujours quelque chose à apprendre et on progresse. Un exemple ?

Et bien, la rédaction de ce douzième récit me permet enfin, vous l’aurez remarqué, de correctement orthographier St Genou et Soucieu auxquels je ne mets plus de « x » en terminaison. Finalement cela commencer à entrer mais il a fallu du temps !

Bon commençons !

SNCF et Score ITRA / Score UTMB Index : la grande pagaille !

Le sas performance, c’est à dire la première vague, est destinée cette année aux coureurs qui se targuent d’avoir un score ITRA général de 580 ou plus. En octobre quand je checke mon score j’ai … tout juste 580, youpiiiiiiiii !

Or « horreur malheur », la dernière mise à jour de mon score global début novembre, après la prise en compte de mes performances sur l’X-Alpine, passe à 579 ! Soit un petit point en dessous de la barrière.

Autre problème : quand je checke mon score UTMB Index (qui fout le box depuis que l’association s’est mise à calculer son propre indice de coureurs en concurrence avec l’ITRA) j’ai 569.

Quoiqu’il en soit je n’ai pas reçu le fameux Email me permettant de prétendre au fameux bracelet vert qui est le sésame d’accès au premier sas, bien que mes 6 dernières SaintéLyon aient été courues avec un score de performance spécifique supérieur à 580.

Dernier avatar : l’annulation de mon premier AR en TGV me force avec un peu de stress à trouver un autre AR pour arriver à Lyon le jeudi soir et en repartir dès 11 heures du matin dimanche. En principe j’ai toujours fini mes STL avant 9 heures du matin donc me permettant de prendre ma douche à La Mulatière dans ma belle famille pour repartir aussi sec (grâce à une serviette) à Oullins pour prendre le métro direction la Part Dieu.

Ma traditionnelle préparation complètement revue

Un point sur ma préparation pré-Saintélyon. Cette année c’est le grand chamboulement dans mon entraînement. D’habitude je cumule les kms en endurance fondamentale. J’ai l’habitude de cumuler les 5 dernières semaines précédentes (hors semaine tapering) environ 500 kms, parfois plus (record de 640 kms en 2016). Or, cette année depuis septembre j’ai axé mon entraînement vers plus de qualité (séances de tempo run) qui m’ont permis de battre mes records sur le marathon de Berlin, 20 kms de Paris et les 10 kms de Paris coup sur coup.

Cette année sur les 5 dernières semaines je n’ai que 260 kms au compteur avec des successions de 5 jours sans avoir couru. Par ailleurs j’ai pour habitude d’aborder les STL avec un poids de forme de 61 kgs, et là c’est plutôt 63 kgs (pour 175 cm). En conséquence j’ai probablement perdu du foncier, mais gagné en force car j’ai plutôt de bonnes sensations dans les descentes. Quand je parle de descentes il s’agit du trottoir qui ceinture le parc des Buttes Chaumont (ma piste d’entraînement parisienne exclusive). En conséquence quand on manque d’entraînement il faut miser sur un atout, mais de taille, à savoir son état de fraîcheur dans lequel on aborde l’épreuve. En gros on pourrait résumer cela par la formule suivante : « j’ai rien foutu à l’entraînement mais au moins je suis en forme ! »

Mes objectifs

J’en ai plusieurs, soufflés à ma femme il y a 1 mois mais qui se sont dégonflés au fur et à mesure du constat de ma sous préparation. Mais à l’heure où j’écris je connais le résultat final donc je peux vous les dévoiler sans avoir peur du ridicule.

  • Un chrono en dessous de 8h45 (contre 8h50 l’année dernière)
  • Un top 300 en terme de classement
  • Un score ITRA supérieur à 600 (contre 580 l’année dernière)

Le Jour J

J’ai le privilège d’être accueilli comme à l’accoutumé depuis ma toute première SaintéLyon en 2010 par l’oncle de ma femme à Villars (à quelques minutes en voiture de ParcExpo de Saint-Etienne) qui vient me chercher à Chateaucreux (c’est la gare) à 18h30. Une soirée royale devant un match de foot de la coupe du monde (l’Argentine au programme) en absorbant comme le veut la tradition un plat de pâtes au beurre. Rituel immuable pour cette 12ième SaintéLyon consécutive.

22H30 il est l’heure de partir pour le départ. 22H45 je franchis l’arche de départ pour me rendre dans les sas…et là il n’y pas un seul coureur à se mettre sous la dent ! Je suis seul pendant de longues minutes à me demander où je dois me placer. Mais où se trouve le deuxième sas ? Celui qui est juste derrière le sas performance auquel je n’ai pas droit ?

Enfin un organisateur qui ne sait pas trop « dans quel état j’ère » m’indique qu’ils vont tirer un ruban ici… à moins que cela ne soit là pour figurer la ligne de démarcation entre le sas performance et le sas de derrière. Bref, c’est un peu le box ! Heureusement il ne fait pas trop froid. Parlons de ma tenue : j’ai juste un juste au corps (une première couche) et ma GoreTex de Mickey (vous savez celui qui ressemble à un sac poubelle en shake dry de 200 gramme mais deux fois plus cher en euros !). Et j’ai toujours mes gants de ski en GoreTex recouvert d’une membrane imperméable. Je suis sujet à la maladie de Raynaud (et non de Renaud « Trin lin lin » ou « Rin tin tin »).

Non je n’ai pas froid au corps…mais je commence à avoir froid aux pieds. Enfin mon sas virtuel commence à se remplir. Et curieusement le sas Performance qui est devant nous connaît un goulet d’étranglement, il n’arrive pas à se remplir malgré un flux continu de coureurs dans la bretelle de délestage.

Je passe rapidement sur le retard du départ en raison du parcours encombré par des voitures aux conducteurs bienveillants à notre égard facilitant la tâche des organisateurs. Donc c’est le départ des élites et du premier sas, qui curieusement ne se vide pas complètement. Va comprendre…

Et c’est enfin le départ de notre vague. Autant le dire c’est assez compliqué car je dois slalomer entre les coureurs, heureusement les routes des faubourgs stéphanois sont assez larges.

Je perds pas mal de plumes dans cette partie jusqu’à Saint Christo car elle me demande pas mal d’efforts pour sortir du pack de coureurs et me permettre de prendre mon envol sans être gêné.

  • 1ère portion : à Saint-Christo au km 17
  • 1h37 de course / cumul de 1h37 depuis le départ
  • classement : 664

Après le ravito de Saint-Christo il se met à pleuvoir. Une petite bruine nous accompagne, et ceci jusqu’à la fin de la course. Quel bonheur !

Sur cette portion jusqu’à Sainte-Catherine je ne vais pas vraiment voler. J’ai même l’impression d’accuser un peu le coup. Sur la route des crètes, celle où nous attendent traditionnellement des supporters autour d’un feu de bois et des enceintes qui crachent « Born In The USA » de Bruce je ne m’amuse plus du tout comme à l’accoutumée. Limite je fais la gueule alors qu’en général je suis euphorique. Je suis parti trop vite. Et puis le brouillard est de la partie maintenant. Donc autant ce chemin de crète était mon plus beau souvenir l’année dernière sous la neige, autant cette année c’est la galère. La descente sur Sainte-Catherine est tout aussi galère avec cette dernière descente hyper casse gueule avec des gros cailloux qui affleurent au dessus de la boue et qui n’attendent qu’à vous éventrer si jamais vous basculez.

  • 2ième portion : à Sainte Catherine au km 31
  • 1h42 de course sur la portion depuis précédent ravito / cumul de 3h19 depuis le départ
  • classement : 780

Il est temps de se ressaisir. Après avoir bu mes trois verres de coca traditionnels et mes barres à céréales pour oiseaux en cage et des pâtes de fruits dont il faut au moins 15 minutes pour enlever le plastique transparent qui les recouvrent au risque de se casser les dents…je remonte sur ma selle pour plonger dans le bois d’Arfeuille dans un épais brouillard, les pieds au secs (ie. une boue compacte comme une crème de jour tapisse tous les sentiers). Dans la montée du Rampeau que je confonds avec la montée vers le Signal Saint-André (il me faudra 1 heure pour réaliser ma méprise), il est vrai que je ne reconnais pas bien les lieux mais c’est de nuit avec de la pluie et du brouillard, donc on me pardonnera. Ensuite il y a encore une autre montée que je ne connais pas, une nouveauté avant de revenir sur le parcours plus classique en direction de Saint Genou Le Camp. Cela va pas trop mal au niveau des sensations mais heureux d’être déjà à ce niveau de l’épreuve.

  • 3ième portion : à Saint Genou au km 44
  • 1h44 de course sur la portion depuis précédent ravito / cumul de 5h03 depuis le départ
  • classement : 605

Comme j’aime les pâtes de fruits ! Et à ce ravito on nous les présente sans le sachet en plastique qui les recouvrait. C’est juste énorme, un grand moment de bonheur offert par les bénévoles. Merci à eux. Je continue mon bonhomme de chemin en continuant à courir, j’ai encore du jus donc tout va bien. « La boue vous va si bien » : telle est la thématique de cette SaintéLyon 2022. Mais j’ai l’équipement qui faut, juste deux couches, donc je ne transpire pas, donc je n’ai pas froid à aucun moment. C’est le début du parcours où j’ai la possibilité d’envoyer et de relancer dans les descentes, sauf que c’est finalement dangereux. Parfois il y a des singles track complètement boueux délimités par des fils de barbelés sur les côtés : on serre les fesses pour ne pas se faire éventrer si jamais l’on chute. Moment de frissons et d’émotions garanties sur la SaintéLyon !

  • 4ième portion : à Soucieu au km 55
  • 1h10 de course sur la portion depuis précédent ravito / cumul de 6h13 depuis le départ
  • classement : 445

A Soucieu-en-Jarrest on fait le bilan de la SaintéLyon : soit je suis explosé et je ne peux plus courir, soit je peux continuer à courir et c’est gagné, ou presque.

Bilan : je peux continuer à courir mais j’ai mal aux jambes qui sont inflammées un peu partout. Et il faudra faire avec jusqu’à la fin.

On traverse le lotissement comme c’est la tradition, on bifurque à droite et là je n’ai plus trop de souvenirs si ce n’est cette épingle à cheveu en arrivant à Chaponost et là j’ai un vrai coup de mou en arrivant au ravito. Vite mes verres de coca et mes pâtes de fruits, je suis à la recherche de réconfort. Rewards Rewards Rewards WANTED ! Mon striatum est en demande et requiert que je le satisfasse afin qu’il me permette de repartir sur mes jambes en mouvement.

  • 5ième portion : à Soucieu au km 66
  • 1h07 de course sur la portion depuis précédent ravito / cumul de 7h20 depuis le départ
  • classement : 360

Allez encore un petit effort pour donner l’estocade. Comme c’est dur cette remontée de l’épingle à cheveu sur le bitume. J’arrive à relancer heureusement non sans peine et sans douleurs mais cela avance quand même. Et l’aube pointe son nez très doucement et comme à l’accoutumé en me rapprochant de Sainte-Foy-lès-Lyon j’entends le chant du coq. Incroyable, à croire qu’il m’entends chaque année. Car c’est aussi rituelique que le plat de pâtes chez Yves, j’entends le chant du coq lors de toutes mes SaintéLyon à l’aube..à l’exception peut être de l’année dernière où le coq devait probablement être congelé.

Quand j’arrive au pied des Aqueducs de Bonnant en général j’ai l’impression que pour moi la SaintéLyon est déjà terminée. Ce qui reste à parcourir ce n’est que du bonheur et j’en profite. La grimpette est presque la dernière, on se repose en mettant un pied devant l’autre doucement en mangeant une pâte de fruit, donc pas de quoi s’exciter, il faut profiter. La descente du parc Accrobranche n’est certes pas une partie de plaisir, il faut juste faire attention de ne pas s’éborgner par une branche dans le parcours en serpentin qui n’amuse que les organisateurs (ou le traceur) ; moi pas !

Ensuite c’est la rue de la Navarre où la veille j’ai encouragé les coureurs de la LyonSaintéLyon à 9h20 du matin, rue qui longe la copro de ma belle mère où je loge chaque année. Je fais un coucou en direction de la fenêtre de la cuisine de l’appartement mais il n’y a plus personne. Ma belle mère ayant anticipé mon arrivée à Tony Garnier.

Et ensuite on va profiter de cette descente d’escaliers, le quai de Saône, le pont Raymond Barre toujours magnifique, les derniers serpentins inutiles mais ce n’est pas grave on profitera d’autant plus longuement. On fera le cabotin devant les photographes. Et puis c’est l’arrivée hyper encombrée en ce qui me concerne par des coureurs en train de se prendre en photo devant l’arche : merci les gars !

C’était plutôt compliqué cette année, pas vraiment la plus belle des SaintéLyon mais toujours un grand bonheur.

C’était mon 11ièm maillot de finisher. Place aux chiffres :

Bilan

Chrono final : 8h42

Classement scratch : 305 soit 6% (vs 5303 finishers)

Score ITRA : 604

Classement dans ma catégorie (M3/M4 H) : 10ièm (vs 719 finishers)

Récit de course : 10 kms de Paris Centre 2022

« Jamais je ne recourrai un 10 kms, c’est une épreuve beaucoup trop difficile. La souffrance est trop intense. Jamais, plus jamais. »

C’est en substance ce que j’ai l’habitude de dire lorsque l’on aborde la thématique des épreuves de course à pied. Pour moi c’est une épreuve redoutable car l’intensité requise pour l’affronter est juste terrible. Cette douleur dans la poitrine, cette tension sur les tempes, cette envie de vomir à l’arrivée. J’ai jeté l’éponge le matin de deux épreuves de course à pied auxquelles je m’étais inscrit et il s’agissait de deux épreuves de 10 kms (les 10 k du 14ièm et 8ièm arrdt. de Paris) et cela remonte à au moins 5 ans.

Si bien que lorsque Xavier G. me suggère de m’inscrire à trois jours de l’épreuve c’est un grand non catégorique que je lui fournis sans même réfléchir un dixième de seconde.

Or le vendredi 14 octobre je l’accompagne place du Palais Royal retirer le dossard et là je tombe devant le grand panneau du parcours… et cela me fait réfléchir !

Je me rends compte que ce parcours passe à 50 mètres de mon immeuble et ceci à deux reprises. Et là cela fait tilt ! Je me dis que c’est l’occasion ou jamais d’enfin faire participer mes plus fidèles supporters en herbe que sont mes enfants de 5 ans. Mes enfants vont enfin me voir courir. Et cela me mets en joie de les faire participer à la fête. Et cela est sacrément encourageant.

Samedi 15 octobre : je m’inscris.

Préparation / Sensations

Vous me connaissez…que vais-je faire la veille au soir ?

Je vais aller au Starbuck pour : un vanille latte (SANS caféine) et une part de cake au citron. Eh bien non ! Pas cette fois. Je vais me faire à demeure mon propre vanille latte avec ma macération de gousses de vanille dans du rhum que je fais bouillir (1 cuillère à soupe seulement) dans du lait entier. Or je ne m’en apercevrai qu’un peu tard, pour que l’alcool s’évapore complètement il faut faire bouillir au moins 2 minutes le breuvage ce que je ne vais pas faire. Donc j’ingurgite une substance que je trouve sacrément alcoolisée…hips ! D’autant plus que je bois pas une goutte d’alcool depuis plus de 10 ans.

Mais passons…

Dimanche matin : pour le top départ

Il fait plutôt chaud, près de 15 degrés mais il n’y a pas de rayons de soleil. Les conditions atmosphériques sont moins bonnes que lors des 20 kms de Paris.

J’arrive à me faufiler rapidement dans le sas des moins de 40 minutes. Euh non, je n’ai pas le niveau de courir en moins de 40 minutes ce 10 kms. Je vous l’avoue. J’ai un peu menti lors de mon inscription (c’était du déclaratif). Pardon. En fait j’ai besoin de partir le plus tôt possible pour que mes enfants puissent me voir rue Réaumur et rue Montmartre avant qu’ils ne partent à leur séance de natation. Oui pardonnez mon choix ! Et si j’ai fait du tort à quelqu’un en raison de ma lenteur qu’il me pardonne.

C’est parti

Car je ne peux pas courir à une allure de 4:00 le km, ce qui est requis pour courir en 40 minutes. Je n’ai aucune stratégie de course si ce n’est de courir aussi vite que l’on peut sans exploser : c’est toute la difficulté d’un 10 kms justement ! Un long sprint où l’on est vite dans le rouge, mais pas trop sinon c’est la sortie de route.

Mes sensations au départ ne sont pas terribles. La descente du boulevard de la Madeleine est un peu chaotique, je me fais doubler en deux temps trois mouvements par le meneur d’allure 40 minutes escorté par sa cohorte de coureurs qui veulent le suivre. Non ce n’est pas très bon pour le moral car je trouve qu’ils vont vite, beaucoup plus vite que moi.

Ensuite il faut remonter le boulevard de la Madeleine. Je ne trouve pas mon rythme, je vais courir les 5 premiers kms en 4:10 de moyenne…et ceux d’après en 4:10 de moyenne aussi donc tout pareil. Mais avec des sensations très différentes tout au long de la course. Ma première moitié de course j’ai mal au ventre, un peu, beaucoup. J’ai le ventre un peu gonflé, je ne comprends pas bien. Je ne me sens pas aussi svelte et léger que lors des 20 kms de Paris courus une semaine plus tôt. Il faut dire que c’est avec près de +10 degrés de plus que nous courrons ce 10 kms et qui plus est à une intensité légèrement plus soutenue car il s’agit d’un 10 kms. Et sur cette épreuve je vous l’ai dit : « on se met la rate au court-bouillon ». Et je me retrouve dans les derniers de mon sas « moins de 40 minutes » au bout de 2 kilomètres : la honte ! Je me sens démasqué. « Es cou zé moi » !!!! Promis je vais tout faire pour aller plus vite. Las, je n’y arriverai pas. Je resterai à une allure supérieure à 4:00 au km.

Je souffre donc sur cette première partie de parcours un peu alambiquée comme on peut le voir sur le plan entre la rue Tronchet et la rue Caumartin.

Après la rue de Richelieu passé le 5 ièm kilomètre, je me remets en selle, cela va mieux. Et j’ai surtout la perspective de voir ma famille rue Réaumur au niveau de la rue des Petits Carreaux. Youpiiii.

Quel bonheur ! J’ai l’impression d’avoir des ailes qui me poussent dans le dos lorsque je les aperçois tout là bas !

Je sais que je vais les revoir 1 kilomètre plus loin dans le retour de la boucle au niveau de la rue Montmartre et de la rue d’Argout quasiment en bas de chez nous. Cette fois je m’arrête 1 seconde et les embrasse l’un après l’autre à l’instar d’un Franck Leboeuf qui embrasse le crâne de Barthez (comprenne qui pourra). Indice clef : il faut avoir vu la coupe du monde 98.

La descente, puis la remontée de la rue du Louvre sont une vraie épreuve. Et pourtant il ne reste que 2 kilomètres qui en font 10 !

Rue des Petits Champs, cela va mieux comme on pourra le voir en images (au pluriel) avec la Place des Victoires en arrière plan et sa statut de Louis 14.

Et quant au dernier kilomètre qui est une descente de l’Avenue de l’Opéra, c’est splendide. Cela me fait penser à la descente des derniers hectomètres du marathon de Berlin, mais en pire.

Personal Record

Je passe la finish line en 41 minutes 36 secondes (allure de 4:10) soit mon meilleur temps sur ce type de distance.

Formidable parcours, formidable épreuve et expérience.

Qui a dit que je ne recourrai plus jamais un 10 kilomètres ?

Récit de course : 20 kms de Paris 2022

Grâce à mon employeur j’ai la chance de participer pour la huitième fois aux 20 kms de Paris dans des conditions optimales ; Celui-ci ayant réservé un espace dédié dans le village des exposants sur le champs de Mars en face de la Tour Eiffel.

Nous sommes 20 collaborateurs de l’entreprise et près de 30 clients/fournisseurs invités à nous retrouver sur les coups de 7h30 sous la tente en ce dimanche 9 octobre 2022. Il fait assez froid : 6/8 degrés environ, il fait encore nuit. Les conditions vont être idéales : un froid sec et ciel azur.

J’ai vraiment confiance, fort de mon record sur marathon (Berlin 2022) deux semaines avant, je suis ici pour battre mon chrono qui date de 2011 en 1h 27min 52s. Je suis à mon pic de forme de l’année et j’ai annoncé la couleur à ma femme pendant la semaine : « dimanche je vais battre mon record sur ce 20 kms de Paris ».

Toujours le même rituel de préparation la veille d’une course : je suis allé au Starbuck de la rue des Petits Carreaux à 50 mètres de chez moi pour ingurgiter mon traditionnel « vanilla latte décaféiné et mon cake au citron » à 18h30. Néanmoins je suis chez moi et je fais une entorse à la règle en mangeant quelques bouchée de mon entremet chocolat (home made by myself !) au praliné noisettes du Piémont…je n’ai pas pu m’en empêcher. Or je ne le sais pas encore mais ce n’est pas bien de ne pas suivre scrupuleusement son process et je vais le payer !

8h : mes collègues (et organisateurs) de cet événement pour mon entreprise nous distribuent le maillot et le dossard. Nous nous changeons, le jour se lève. Il est temps d’aller faire la « photo de famille ».

Il est 8h30, nous allons en grappes en direction du Pont d’Iéna pour entrer dans notre sas de départ.

Les sensations au départ

Je me suis pesé à jeun ce matin : 61.7 kg. C’est un peu light et peut-être traduit un manque de glycogène, je ne sais pas alors dans le doute je vais prévenir ce risque dans les heures qui suivent. J’ai pris un gel avec moi après en avoir ingurgité un premier avant de partir. Oui je ne mange jamais rien de solide les matins de courses rapides sur bitume histoire de prévenir tout risque de « délestage par l’œsophage » (expression plus élégante que les termes de « vomie » / « dégobillage ») durant ces efforts assez intenses.

Dans le sas de départ il est prévu que je prenne un troisième gel juste avant le start pour avoir l’énergie d’affronter ces deux premiers kms qui sont les plus difficiles puisque l’on attaque par une montée jusqu’à l’Etoile.


Autant le dire dans le sas de départ, je me sens léger et j’ai le Guane !

Top Départ

Il est 9h10 et c’est le passage de l’arche de départ.

C’est un peu « le box » au départ. Enormément de monde, goulets d’étranglements, montée sèche qui font que ces 2 premier kms seront les plus lents de toute la course : 4:30 et 4:36 respectivement.

Finalement on redescend en direction du bois de Boulogne et je me remets, presque, en selle. Ce faux plat descendant fait du bien même si…même si ce n’est pas si confortable qu’il n’y parait. Il se passe quelque chose dans mon système digestif qui me gène un peu. Après le 3ièm km Xavier G. me salue alors que je ne l’avais absolument pas vu au moment où je suis à son niveau. Je suis très surpris qu’il puisse courir avec des écouteurs, mais mon ami Xavier est quelqu’un d’assez hors norme (private joke !). Moment très fugitif, 2 secondes à peine, mais qui font du bien. Je suis happé par la descente.

Quelque chose ne tourne pas rond

Je cours les 5 premiers kms en 4:20. Mais comme je l’ai souvent dit, la relation entre un coureur et son système digestif est une histoire compliquée. Cette mésentente est d’ailleurs un des tous premiers motifs d’abandon sur un Ultra. Sur une course rapide sur bitume c’est différent, c’est un motif de flinguage de bons chronos. Si vous avez mal au ventre, vous devez vous arrêter pour de longues secondes, très longues, et parfois des minutes et sur ce type de course c’est terminé vous pouvez dire au revoir à votre espérance de battre votre meilleur chrono. Or après le km 5 j’ai une grande envie d’aller aux toilettes : ce sont mes noisettes du Piémont que j’ai ingurgitées la veille qui me jouent un mauvais tour. Je regarde à droite et à gauche le long de cette longue descente dans le Bois de Boulogne pour éventuellement devoir quitter la piste pour entrer dans un sas de délestage.

Finalement c’est le verre d’eau d’un ravito qui va me permettre de me remettre en selle. En effet, passé le km 10, cela va déjà beaucoup mieux.

En direction de la finish line

C’est rapide un 20 kms ! Je passe les 10 kms en 42 minutes 52 secondes. Et c’est fou de se dire que c’est déjà la moitié et que cette fois « il y a moins de kms restants que ceux que l’on vient de courir » (oui je sais je ne suis pas clair mais je me comprends…). Je n’ai plus trop en tête mes précédents temps de passage mais je sais que je n’ai jamais couru un 10 kms aussi vite, donc je suis rassuré sur le fait que je suis sur le bon tempo pour battre mon record.

J’ai le souvenir d’une rue où l’on a le soleil en pleine tête juste avant de tourner sur la gauche et d’attaquer la longue remontée des quais de Seine.

J’aime bien cette rampe qui descend sur les quais de Seine, c’est un peu comme une rampe de lancement au départ d’une fusée. C’est une nouvelle course qui commence et cela fait du bien de voir la Tour Eiffel en ligne de mire.

Je suis très bien en jambe sur toute cette partie. Je passe dans de bonnes conditions morales et physique le km 15 à une allure de 4:17 sur les 5 kms précédents. Soleil, température, public en délire : tout est au vert. Je ne me sens pas trop mal.

Je suis dépassé par un collègue gérant actions qui est triathlète et qui me dépose comme une fleur ! Il terminera en 1h20 alors qu’il a attrapé la COVID la semaine précédente.

C’est le moment du grand virage traversant la Seine pour se retrouver sur le chemin du retour au niveau du Louvre.

Encore une rampe qui descend et qui nous donne un élan pour les trois derniers kms. Et là il faut y aller « all out » sauf que j’ai déjà l’impression d’être « all out », je ne peux plus accélérer je suis déjà au seuil de mon seuil le plus élevé, c’est à dire le point de rupture où je ne peux plus rien donner de plus que je suis en train de donner. Je suis en totale résistance. Il faut que cela tienne jusqu’à la fin.

Mais cela tient !

Il y a ce faux plat montant de la mort qui tue après le km 19 ! Cette rampe qui vous ramène sur la route après avoir quitté la voie sur berge. Là je suis en apoplexie car il reste au moins 300 mètres avant l’arrivée, juste un peu d’énergie pour lever mon bras devant le photographe et rien de plus sinon je m’effondre.

Finish Line

Et c’est fait.

Chrono de 1h 25min 27secondes (allure de 4:17), record de 2011 battu de 2 minutes 25 secondes.

Pulvérisation de mon précédent chrono.

Confirmation que j’ai vraiment le Guane en ce moment.

Cela vaut bien une petite photo devant la Tour Eiffel.

Récit de course : Marathon de Berlin 2022 / Breaking through 3h25

Prélude :

Il s’agit de mon quatrième marathon de Berlin consécutif.

Après les 3h 26min de Berlin 2015,

Après les 3h 27min de Berlin 2016,

Après les 3h 25min de Berlin 2019,

Il était donc logique que je me fixe pour objectif de casser les 3h 25min et d’enregistrer 3h 24min histoire de compléter la série de manière uniforme. Par ailleurs 3h25 est la limite en dessous de laquelle les coureurs de ma catégorie d’âge doivent franchir l’arrivée d’un marathon si ceux-ci veulent être éligibles à l’inscription (« être candidat » est le terme plus adapté) au marathon de Boston 2024. C’est donc avec une grande motivation que je m’inscris à Berlin dans la foulée de mon Tor des Géants l’année dernière.

Las je ne m’entraîne pas très bien cet été à quelques semaines de l’épreuve. Et plus l’échéance approche, plus je recule à l’idée de courir ce marathon. Si bien que je trouve un prétexte pour ne pas y aller en dégotant l’Ultra Trail Nice Côte d’Azur qui a lieu le même week-end. Et si j’allais dans le Mercantour à la place de Berlin ? Réponse tranchée de ma femme : « Il n’en est pas question ! Tu es engagé à courir le marathon de Berlin, donc tu le courras ». Voilà qui a assez vite clos le sujet et mit fin à mes tergiversations personnelles estivales.

La préparation spécifique

Il n’y a pas de préparation spécifique si ce n’est que je me conforme exactement à l’entraînement des semaines qui ont précédé mon précédent marathon de Berlin en 2019. A l’époque j’avais notamment effectué 7 sorties de 21 kms à 5 heures du matin. Et cette année ce sont bien 7 sorties de 21 bornes sur 7 jours consécutifs que je cumule à une semaine du marathon. Or je note que mes sensations et notamment le chrono sont en assez en deça de ce que j’ai réalisé en 2019. A partir de ces données d’entraînement un simple calcul de règle de trois et j’aboutis à une « fair value » de 3h31 minutes au marathon donc assez éloignée de mon objectif « moins de 3h25 ». Bref, peut être que l’estimation d’un chrono n’est pas aussi mathématique que cela. Mais ce n’est pas très bon pour mon capital confiance.

Prélude

Mercredi 21 septembre 2022, J-4 avant le marathon de Berlin

C’est la première journée OFF (je ne cours pas ce matin) que je m’accorde après avoir couru ces fameuses 7 séances matinales (de 5 à 7h du mat) consécutives de 21 kms.

Je suis frais comme un gardon après m’être levé à 7 heures. Il est 7h15, Je viens d’acheter le pain à la boulangerie, je remonte l’escalier et tout d’un coup je ressens un violent coup de poignard dans les lombaires. J’ai encore très mal en arrivant chez moi. Je dois me rendre à l’évidence, ce n’est pas une douleur qui passera comme cela en quelques minutes, c’est le type de douleurs qui prendra plusieurs jours à s’estomper. Je marche toute la journée comme un vieillard. Le passage de la position assise à la position debout me fait mal, marcher me demande de me contorsionner pour ne pas rendre plus aigue la douleur. Bref à J-4 du marathon j’ai donc le moral au plus bas le soir venu. Mon objectif de « breaking through 3h25 » s’était déjà envolé comme on l’a vu plus haut. Et maintenant je fais le douloureux constat que ce lumbago pourrait bien mettre un terme à ma participation au marathon lui-même.

Cela dit à Berlin j’irai, quoiqu’il arrive.

Berlin : la ville d’Histoires

Berlin, c’est mon quatrième marathon de Berlin consécutif. Pourquoi ?

Berlin n’est pas belle non, mais elle impressionne au sens étymologique du terme. Oui cela laisse une trace de s’y frotter, de s’y intéresser.

J’aime cette ville bien au-delà de son marathon. Une ville d’Histoires, celles des manuels de cours d’histoire/géo, de cours d’allemand au collège et lycée, celles des films sur la seconde guerre mondiale, la guerre froide, celles des reportages télé.

Berlin m’évoque tout cela et beaucoup plus encore…

Reichstag / Nazisme / Juifs / délations / arrestations / déportations / incendies de synagogues / shoah / bombardements / destructions / viols / partage / découpage / secteurs / zones d’occupation / URSS / Berlin ouest / Berlin est / DDR / RFA / RDA / Blocus / Pont aérien / Krouchtchev / Kennedy / chars américains vs chars soviétiques / crises / tensions / le Mur / la Stasi / écoutes / délations / arrestations / emprisonnements / espions / passages à l’ouest / chute du mur / réunification / Bundestag et plus encore…

Berlin, la ville où la réalité a surpassé la fiction dans toute son horreur.

Berlin, la ville que l’on se doit tous d’avoir visité un jour, en pèlerin.

Vendredi 23 septembre 2022

Arrivé dans le nouvel aéroport Brandenburg flambant neuf qui a tant défrayé la chronique pour ses multiples reports d’ouverture (8 ans de retard) et son besoin de « fonctionner à vide avec des vraies fausses valises vides sur les tapis roulants car un aéroport fonctionnel mais qui n’est pas encore ouvert au public doit faire comme si pour être entretenu ». Je regrette celui dans lequel on arrivait avant, l’aéroport de Tegel, qui me faisait tant penser à l’époque des années 70, très vintage. Avec ce nouvel aéroport, je ne suis pas sûr que l’on y gagne au change…au retour le lundi 26 septembre, les services de sécurités seront submergés par les flots des touristes marathoniens comme moi. Cela sera la panique totale chez les employés de l’aéroport et nous serons plusieurs à être à deux doigts de rater notre embarquement.

J’ai pour habitude de loger à l’hôtel toujours dans le même quartier. Celui de la nouvelle synagogue située dans l’ex-Berlin Est. J’aime beaucoup cet endroit, c’est calme, c’est large, authentique, iconique aussi avec cette perspective improbable sur OranianBurger Strasse de la nouvelle synagogue et de la tour de la télévision est-allemande au dernier plan.

10 heures du matin, il est suffisamment tôt pour que j’aille me prendre un cappuccino à The Barn qui est un coffee shop assez typique.

Après avoir cassé la tasse à café de mon voisin de table, et pris en photo le marc de café de la mienne pour la poster sur mon compte Instagram que je n’ai pas, il est temps que je me mette en route pour aller à l’aéroport de Tempelhof pour récupérer mon dossard. Cet aéroport de la démesure (le bâtiment est long de 1230 mètres d’un seul tenant) est historique puisqu’il a été la plaque tournante du Pont aérien permettant aux berlinois de l’ouest de survivre face au blocus imposé par l’URSS en 1948/1949.

Je me rends à Tempelhof à pied et c’est une habitude que j’ai prise, il y a 7 kms de marche (oui Berlin c’est très grand, 8 fois plus grand que Paris). J’aime beaucoup cette traversée qui me prend presque 1h30. Je passe par le fameux Check Point Charlie où il n’y a en soit pas grand chose à voir si ce n’est l’agglutination de touristes qui se prennent en photo parce que c’est…Check Point Charlie.

Et comme je suis un touriste aussi.

Passage de la zone soviétique vers la zone américaine à moins que cela ne soit l’inverse ?

Remise des dossard dans cet énorme hangar de Tempelhof, puis les coureurs font encore la queue, sur le tarmac, pour prendre le maillot de finisher pré commandé (et acheté en sus du prix du dossard à l’inscription). Oui c’est assez surprenant on peut récupérer son maillot de finisher avant même d’avoir commencé la course, comme cela le jour venu pas d’autre choix que de plonger dans la piscine. On doit le courir ce marathon jusqu’au bout car on s’est engagé de facto en s’étant acquitté au préalable du prix du maillot !

A l’intérieur de Tempelhof, le temple de remise des dossards
Un corps de bâtiment long de plus de 1 km, mon grand angle n’est pas suffisant.

En milieu d’après midi je découvre le magnifique quartier de BergmanStrasse dans le prolongement de Viktoria Park dont le nom ne me laisse pas indifférent (comprenne qui pourra). Je retourne dans mon quartier environ 2 heures plus tard, il est 17 heures et j’ai l’estomac dans les talons. Je prends une assiette salé dans mon petit troquet préféré sur Tycholsky Strasse dont le nom rappelle le personnage d’un film bien connu ; Kaizer Söze (trouvera qui pourra).

A 17 heures j’ai faim ! Vite au Kaizer Söze

Je retourne à l’hôtel mais je ne peux pas rester en place malgré mes 15 bornes de marche à pied, je vais refaire 8 kms pour aller au restaurant dont ma réservation est à 21h45 près du quartier de Tempelhof (encore). Je vous avoue que j’en reviendrai par le métro sur les coups de 23h30.

Samedi 24 septembre 2022

Je me réveille à 7 heures pour ma traditionnelle séance de course à pied en endurance fondamentale et mode touriste, histoire de voir si mes lombaires me font toujours mal. Cela passe ou cela casse. C’est l’heure de vérité.

Et après 45 minutes de sortie, j’en conclu que cela passe. La douleur est toujours présente à froid mais c’est supportable et je l’oublie durant ma sortie ce qui est de bon augure pour le lendemain. J’ai même la surprenante sensation d’avoir de bonnes sensations !

Passage devant la fameuse porte durant la sortie de reconnaissance la veille de la course.

La journée qui précède le marathon de Berlin est toujours organisée de la même manière. Elle doit conjuguer ballades / arrêts dans au moins trois endroits sympas pour bruncher (oui 3 fois) et elle se termine à 19 heures au Starbuck de la Porte de Brandebourg non pas pour y faire bombance mais pour terminer mon chargement en sucre et glycogène en prenant mon traditionnel Latte Vanille et cake au citron. C’est le rituel appris lors du marathon de Chicago, et cela m’avait si bien réussi que j’ai réitéré lors des 3 marathons de Berlin qui ont suivi : « marathonien cherche désespérément un Starbuck comme à Chicago référençant un Vanille Latte et un cake au citron ». J’avais attribué la pulvérisation de mon record personnel au marathon de Chicago par cet apport énergétique de la veille. C’est une chance finalement d’avoir franchi la porte d’un Starbuck à Chicago, j’aurais pu tomber sur un restaurant beaucoup moins conventionnel (un restaurant tibétain ou afghan et là…c’était pas gagné d’en trouver un à Berlin).

Bien entendu cette fois j’ai bien précisé au personnel du Starbuck qu’il fallait me servir un café décaféiné dans le Vanilla Latte. Oui, je l’avoue, il m’a fallu des années pour comprendre pourquoi en 2019 j’étais toujours éveillé à 1 heure du matin la veille de mon précédent marathon. Merci Andrew Huberman (il se reconnaîtra) pour avoir évoqué l’effet de la caféine sur le sommeil dans un podcast. Depuis cet été je m’interdis de prendre de la théine ou caféine après midi.

A noter que mon Starbuck pit stop m’a non seulement fourni l’énergie nécessaire pour passer la nuit mais m’a aussi offert une vue imprenable sur la porte de Brandebourg.

De retour à l’hotel je m’endors à 21h30 ! C’est du jamais vu avant un marathon…ni chez moi non plus.

Dimanche 25 septembre 2022 : JOUR J

C’est l’instant de vérité, on n’a jamais été aussi proche de l’échéance.

Le matin d’un marathon je n’en mène pas large en général. Mais cette fois c’est avec un grand plaisir que je me rends aux sas de départ. Je connais le rituel, toujours le même et cela me met en confiance. J’ai très envie de participer à ce marathon, je n’ai aucune appréhension et c’est la première fois que cela m’arrive. La température est plutôt douce, un peu trop. Je suis dans le sas D, celui qui partira en même temps que les élites…mais avec au moins 5 minutes de plus pour franchir la ligne de départ et 1h30 pour la ligne d’arrivée.

Il me faut moins de 20 minutes entre l’hôtel et l’arrivée dans le sas. Les petites foulées me permettent de chauffer les tendons et les muscles mais surtout d’admirer le superbe bâtiment du Bundestag que je contourne pour passer les portails de sécurité.

Toujours cette musique entêtante d’Alan Parsons Project à quelques minutes du départ…thème archi connu (et je vous laisserai deviner lequel).

Je suis dans le sas des coureurs qui ont déclaré avoir couru un marathon en moins de 3h30. Je suis impressionné de voir que pas moins d’un coureur sur trois portent « des chaussures à plus de 250 euros la paire ». Les chaussures à plaque de carbone intégrée je les identifie assez bien par leur aspect en biseau au niveau du talon. Quant à moi je reste vintage avec la sensation de porter des tanks au pied. J’arbore mes UnderArmour dont le modèle (j’en ai oublié le nom) ne m’a jamais convaincu, je pleure toujours mes Apollo SpeedForm qui ne sont plus produites avec lesquelles j’avais couru mes quatre précédents marathons. Je vous rappelle que j’attribue mes 4 précédents bons chronos au Vanilla Latte, au cake au citron ingurgité traditionnellement la veille mais également à mes Apollo SpeedForm que j’avais aux pieds.

Et puis je ne sais pas ce qui se passe. Au start gun je ressens une grande émotion indescriptible. Je dois même lutter pour ne pas pleurer au moment où l’on marche en peloton en direction de l’arche de départ.

Top Départ

Le premier kilomètre est en descente sur l’Avenue du 17 juin tel les Champs Elysées mais en plus court. Comme d’habitude cela part assez vite et je suis entraîné par la foule.

Ma stratégie de course est toujours la même. Mon objectif est de terminer le marathon en negative split c’est à dire un deuxième semi couru plus rapidement que le premier. Pour ce faire je dois gérer toute la première partie de course en ayant la main sur le frein (ou le pied c’est comme vous voulez) en ayant un objectif d’arriver à la mi-course en 1h45 ou légèrement moins. Ensuite après le 27 ième kilomètre j’accélère…si je peux.

Comme je l’ai dit à mes proches qui me suivent en direct live : « Si j’arrive au premier semi en plus de 1h45, c’est que cela va mal. En revanche si j’arrive au semi en moins de 1h44 alors cela va mal aller ! » Autrement dit si j’arrive trop vite à mi-course cela signifie que je me brûle les ailes et que les problèmes sont susceptibles d’arriver plus tard. En conséquence pour arriver à la cible de 1h45 au semi il ne faut pas que je cours à une allure plus rapide que 5 minutes / km. Or ce n’est pas ce qui va se passer…

Revenons en à la course.

Je suis surpris d’avoir de très bonnes sensations dès les deux premiers kilomètres. Je checke mon allure tous les km avec ma Polar RCX5 en appuyant sur le bouton Lap. Et force est de constater que je cours toujours trop vite. Cela dit les sensations sont très bonnes, il m’est très difficile de mettre le frein.

Le premier km est couru en 4:50 et je suis très surpris, le deuxième en 4:57 et j’ai pourtant l’impression de ne pas forcer du tout et d’être hyper à l’aise. Les premiers 5 kms sont courus à une allure moyenne de 4:41, je n’ai jamais démarré un marathon aussi rapidement. Je sais que je dois mettre le frein mais c’est difficile car je ne me sens pas « à l’aise » en courant plus lentement.

Je passe les 5 kms suivant en courant à une allure de 4:52, c’est toujours rapide mais je me sens parfaitement bien. La température est excellente, je m’asperge à chaque ravitaillement. Et justement à noter un bug, mon dossard s’arrache et se détache de deux épingles à nourrices en raison de l’eau dont je me suis aspergé le buste. Je mets au moins 1 minute à devoir presque marcher pour remettre deux épingles à nourrices correctement et attacher à nouveau mon dossard. Ne pas paniquer, je prends ma respiration tranquillement, je me calme et je repars !

Km 15 : jusque là tout se passe bien, et plutôt très bien. L’allure est de 4:52 sur les 5 kms parcourus. C’est toujours plus rapide que les 5:00 que je dois cibler mais que je n’arrive pas à atteindre. Je préfère me laisser porter.

L’ambiance le long des trottoirs berlinois est de plus en plus forte. On arrive dans le quartier que je reconnais qui est celui de Tempelhof. Et enfin l’heure de vérité arrive bientôt nous sommes au kilomètre 20 : allure de 4:54 sur les 5 kms précédents.

Le Semi Marathon : l’heure de vérité

DING DONG !

J’arrive au semi marathon après 1:41:49 c’est très, trop rapide ? Je ne suis jamais arrivé au semi d’un marathon aussi vite. Même à Chicago j’étais arrivé en 1:42:05.

« si j’arrive au semi en plus de 1h45 c’est que cela va mal….si j’arrive en moins de 1h44 c’est que cela va mal aller ! » : c’est ce qui me vient en tête à ce moment là.

Tant pis, je me dis que si je dois le payer plus tard et bien on fera pour le mieux.

J’arrive au cœur de ce marathon avec la traversée du quartier de Wilmersdorf qui est l’ex-Berlin Ouest très populaire. Et j’adore cette partie du parcours. Les sensations sont toujours là au 25ièm km (allure de 5:03). On va dire que c’est à partir du km 27 que cela va commencer à aller un peu moins bien.

Et pour cause on attaque un faux plat montant. Qui a dit que le marathon de Berlin est tout plat ??? Dans ma tête c’est à partir de ce km 27 que je me permets de lâcher les chevaux. Or, je commence à ressentir un début de lassitude dans les jambes … et dans tout le corps. C’est la première fois que je ressens le besoin de devoir me relancer. Autrement dit de devoir puiser quelques ressources au fond de moi pour maintenir mon allure.

Les 29 et 30 ième km me rassurent, ils sont courus en 4:47 et 4:41. C’est en légère descente : l’ambiance est à son comble.

J’attaque la dernière partie de ce marathon après les kms 32 et 33 : je commence à être vraiment dans le dur. Je n’arrive pas à entrer dans « la zone ». Je n’arrive pas à retrouver cette sensation d’accélération où je dépasse tout le monde, où psychiquement je me sens dans un état modifié de conscience comme j’ai pu le vivre lors de mes 4 derniers marathons (Chicago et 3 Berlin).

La magie n’opère plus

Non, je dois me rendre à l’évidence. Cet état modifié de conscience où je plane avec la sensation d’avoir mis le turbo réacteur en dépassant tout le monde comme sur un nuage ne s’est pas enclanché cette fois. Je ne vais pas le connaître.

Disons que je prends conscience que je glisse doucement vers un état où je « suis dans le dur ». J’ai besoin désormais à partir du km 34 de devoir taper dans mes réserves d’énergie et de volonté. Je ressens le besoin de fournir vraiment un effort à chaque foulée.

Un supporter sur la route nous clame au moment où je passe à son niveau qu’aujourd’hui est un grand jour car le record du monde du marathon vient d’être battu ! Et forcément nous n’avons aucun mal à deviner qui en est le détenteur. Kipchoge vient de nous devancer en poussant son propre record du monde à 2h 1min et 9s. Et cette nouvelle est plutôt de nature à me divertir et me permet de penser à autre chose qu’à ma souffrance. Est-ce grâce à ses chaussures Nike avec la plaque de carbone qui lui a permis cet exploit ? Quoiqu’il en soit moi je cours le marathon du record du monde qui vient de tomber sans l’aide de carbone. C’est à inscrire dans mon book personnel ça pour mes petits enfants quand ils auront vu le record du monde tombé sous les 1h55 grâce à l’homologation des chaussures à suspensions magnétiques au dessus du sol !

J’adore ce moment du marathon quand on voit défiler les Kms à partir du km 35 (allure de 4:45) car à partir de là l’arrivée est si proche, si loin. En tous cas on n’a jamais été aussi prêt. J’arrive à maintenir une allure tout à fait convenable sans vraiment être capable de ma projeter vers la finish line. Je prends les kms les uns après les autres dans l’ordre dans lequel ils arrivent.

Ah c’est le km 36, j’attends le km 37… km 37 allez encore un coup de collier avant le km 38. Puis c’est le km 39, je ne sais pas si c’est moi ou si c’est vraiment la foule mais j’entends de plus en plus de bruit raisonner j’ai l’impression qu’il y a une montée en puissance de l’ambiance. C’est juste incroyable je ne vis cela que sur le marathon de Berlin. J’ai l’impression que la foule de supporters se fait de plus en plus compact.

Km 40 (allure 4:44), c’est le moment où l’on entre dans le Berlin « moderne » avec de larges avenues c’est nickel propre moderne comme à Disneyland cette Leipziger Strasse : c’est un boulevard pour les finishers. Je me sens propulsé car à partir de maintenant il faut tout, tout donner. C’est un effort « all out ». Cela passe ou cela casse car je ne sais plus si ma carlingue va me lâcher. Je sens des douleurs inflammatoires dans les jambes depuis quelques hectomètres. Je suis sur le point de rupture, le fil du rasoir mais il faut tenir, il faut tenir. Ces deux derniers kms sont les plus longs du marathon. On ne lâche pas, pas maintenant ! A ce même km 40 je regarde mon chrono : je suis halluciné. Je suis dans les temps de Chicago et peux peut-être battre mon record ever ! Il reste 2 kms et quelques hectomètres, il ne faut rien lâcher, j’ai un peu mal aux jambes, je dois piocher piocher pour ne pas décélérer mais là je suis dans le dur au cube pour maintenir une allure de 4:40 ! Et pourtant je vais courir les deux kilomètres qui restent à l’allure la plus rapide de tout mon marathon soit 4:27 et 4:20 respectivement au km 41 et km 42.

Mais justement la perspective de la Porte de Brandebourg au moment où l’on bifurque sur l’avenue Unter den Linden m’apporte une joie indescriptible mais qui n’est pas suffisante pour masquer ou faire oublier que ma carlingue est près d’éclater.

Cela fait mal au km 42, il reste encore 200 mètres

Passage de la porte : il reste environ un peu plus de 200 mètres en légère descente. On perçoit en contre bas l’arche d’arrivée. Je ne respire plus, je suis en apnée. Les poumons vont éclater de toutes manières, les jambes vont se désarticuler. Il reste 50 mètres, j’ai mal à la tête qui va éclater aussi. Je ne contrôle plus rien, tout est en pilotage automatique.

Il reste 50 mètres à peine.

C’est fini.

3h 22′ 04 » et negative split de 1’34 »

C’est mon « personal record » mais peu importe à ce moment là, je suis un peu étourdi, les endorphines et le bonheur m’envahissent.

Marathon de Berlin : à bientôt.

Récit de course : X-Alpine 2022 / à la conquête d’une 4ième étoile

Le téléphone sonne

Verbier, dimanche 10 juillet 2022 à 10h du matin. Communication avec ma femme.

Ma femme : « C’est formidable ta performance ! Comment tu as fait alors que tu étais malade ? »

Moi : « C’était trop dur, je ne referai jamais cette épreuve. Je suis allé trop loin pour trouver les ressources me permettant de finir. »

Ma femme : « Mais ton classement ne laisse pas transparaître cela, tu as volé ! »

Moi : « Cette X-Alpine n’est plus une épreuve pour moi, même le Tor des Géants est plus facile. Voilà je te le dis solennellement cette X-Alpine était pour moi la dernière. Je te le signe de retour à Paris »

Prélude

Elle m’avait échappée l’année dernière à Bourg Saint Pierre. Et c’est sur ce nouveau parcours conforme au format « 100M de l’UTMB » (M pour Miles) que j’obtiens, en m’arrachant littéralement, cette 4ième étoile que j’étais venue chercher l’année dernière pour ma fille.

Comme toujours j’attaque par les chiffres, comme ça c’est fait.

  • X-Alpine : 140 Kms et 9300 mètres de D+
  • Chrono : 32h24
  • Classement : 61ièm parmi 237 partants =>> soit classement appartenant au 3ièm décile des coureurs au départ.
  • 137 finishers (taux d’abandon de 42%) donc 61ièm / 137 =>>soit un classement appartenant au 5ièm décile des finishers.
  • Score UTMB Index : 541
Le nouveau profil sans Le Catogne mais ajout de l’X-Traversée en passant par le col des Chevaux

Dans la croyance en « l’effet rebond »

Autant l’avouer tout de suite. J’arrive à Verbier dans la nuit du jeudi au vendredi 8 juillet dans un état que je qualifie de convalescent. Je sors tout juste d’une infection. Je ne dirais pas que j’ai retrouvé « le Guane ». Je ne cours plus depuis 1 semaine. J’ai très peu de foi dans la méthode Coué. Pourtant je crois en « l’effet rebond » dont on parle dans les magazines bien attentionnés. Il y est fait mention qu’après être tombé malade le sportif retrouve un état de forme supérieur à celui qu’il avait avant l’épisode infectieux en raison du repos forcé que lui impose sa maladie. Et bien moi en arrivant à Verbier j’ai envie d’y croire !

Je mise tout sur mon repos forcé. Et peut-être que sur un malentendu…

Vendredi 8 juillet midi

Je suis au Chables pour prendre mon dossard. Il n’y a à proprement parlé personne en dehors de bénévoles. Le retrait s’exécute en 5 minutes. Je salue Ryan Baumann ancien finisher de l’X-Alpine. J’essaie de lui soutirer des secrets de sa réussite, histoire de me faire gagner des places. Mais las… Il n’y en a pas. Le secret c’est surtout qu’il a des qualités athlétiques exceptionnelles que je n’ai pas et donc que je ne peux rien en tirer. Le choix de ses gênes sur catalogue pour devenir un bon UtraTraileur c’est prévu pour le siècle prochain, encore faut il que les parents le veuillent bien.

Je télétravaille de ma chambre d’hôtel. Je fais des choses passionnantes en mangeant des pâtes. Et j’essaie de faire des siestes pour optimiser l’effet rebond. Je n’arrive pas à m’endormir même si je m’y emploie en déployant tous les dispositifs : je ferme les yeux, je me détend, je ne mange pas trop (erreur !), je mets de la musique (pas non plus une bonne idée ça).

Il ne se passe rien si ce n’est que je suis bien fatigué à 21h10, heure à laquelle je prévois de prendre une douche avant de revêtir la tenue de combat de « l’UltraTraileur qui croit fermement en l’effet rebond ».

Top départ

Il est 22 heures. La température est exceptionnelle : une douceur qui caresse la peau. Il est prévu un temps magnifique tout le WE. Nous sommes très peu sur la ligne de départ (237 coureurs). On a de l’espace, aucune bousculade, personne qui veut se retrouver au premier rang parce que c’est très important pour lui de commencer par un sprint et d’exploser au 100ièm km. Que des Ultra traileurs raisonnables et raisonnés (c’est une expression très usitée par les temps qui courent) sur une course qui n’est pas du tout raisonnable. A ce propos les organisateurs dans leur discours de départ nous ont demandé expressément de juger si nous trouverons ce nouveau parcours plus difficile que l’ancien. Verdict à l’arrivée si on y arrive !

On attaque par la traversée de Verbier en passant devant le W. C’est un faux plat montant déjà casse pattes pour moi. Et je me sens déjà très mal. Cela part beaucoup trop vite. J’ai le souffle court d’un petit vieux. Je n’aime pas du tout le rythme que m’impose le peloton. Et puis le dénivelé semble calmer les ardeurs des plus audacieux. Nous sommes en rang d’oignons et nous mettons à marcher dans la pente. Un quartier de lune au-dessus de nos tête. Et j’en viens à la première anecdote qui va me faire un bien fou.

J’entends derrière moi un runner qui dit en substance : « Eh bien cela change ici, ce n’est pas comme au Refuge Barmasse où tu pénètres et il n’y a personne ». Et moi de répondre, « Le Refuge Barmasse ? Sur le Tor des Géants ? ». Et le runner qui s’exclame après avoir vu mon prénom sur mon dossard qui est dans mon dos : « Grégory c’est toi ! Mais ce n’est pas vrai, c’est moi Thibaut ».

Et là je tombe de mon arbre ! Et c’est avec une joie non dissimulée que je retrouve mon « Thibaut recherche désespérément » que j’ai vu pour la dernière fois sur la finish line du Tor des Géants ! C’est mon compagnon de galère d’un certain jeudi matin non loin du refuge Cuney alors que je viens de pleurer toutes mes larmes après avoir passé une nuit d’enfer. Quel bonheur de le retrouver. Comme je l’envie de savoir qu’il retourne sur le Tor cette année comme d’autres compagnons croisés l’année dernière. C’est surprenant comme cette épreuve, qui laisse aussi tellement de stigmates, vous attire encore et encore dans son antre tel un aimant comme si nous étions attirés par le chant des sirènes en sachant pertinemment que c’est aussi pour vivre des moments de souffrance intense.

Ce nouveau parcours nous fait passer sur un très beau chemin de crête qui surplombe Verbier. Le ciel est magnifique et c’est avec des sensations légèrement retrouvées que j’arrive au premier ravito tout là haut perché. C’est le premier moment de grâce. Et il y en aura d’autres.

Ravito Savoleyres à minuit 19 après 02h17 de course : Km 12.5 / Cumul D+ 1217 / clt. 145

Je prends mon temps à chaque ravito. Je bois de la Rivella du Coca, je mange une barre, une banane et surtout je remplis mes flasques car il fait chaud. Il s’ensuit la descente extrêmement roulante sur sa première moitié avec de larges chemin de 4*4 en direction de Sembrancher. Nous quittons très vite les paysages d’alpage pour les sous bois éclairés de nos frontales. La descente est longue, est longue, très très longue qu’elle n’en finit pas. N’ayant pas le Guane pour les raisons précitées en introduction je sens quelques faiblesses dans mes jambes. Je dois redoubler d’attention pour ne pas me prendre les pieds dans les rigoles d’eau qui traverse ce chemin hyper roulant. Le chemin traverse parfois une route bitumée. Et il nous arrive de nous perdre, c’est à dire de continuer sur la route et de manquer la bifurcation qui conduit à un sentier qui coupe les lacets. J’ai dû perdre au moins 10 à 15 minutes à jardiner à deux reprises. Oui les montres GPS peuvent servir, la mienne ne me donne que l’heure mais elle le fait avec une telle fiabilité que je ne peux m’en défaire. Et enfin voici Sembrancher qui m’est familier pour être le premier ravito de l’ancien parcours. Celui qui est au pied du Catogne.

Ravito Sembrancher à 02h41 après 4h38 de course : Km 29.6 / Cumul D+ 1388 / clt. 167

Toujours le même rituel : on remplit les flasques à raz bord, je bois de la Rivella, du Coca, je mange du chocolat, je prends des barres. Et c’est reparti pour 2000 mètres de D+ en ayant pour point de mire la Cabane d’Orny à 2820 mètres d’altitude (point culminant de la course). La montée jusqu’à Champex Lac n’est pas technique, j’avance assez lentement et je passe un très mauvais moment avec un gros problème gastrique. Mon ventre se gonfle comme un ballon de baudruche. Cela me brûle, j’ai particulièrement mal. Je suis contraint de marcher très très lentement. Je suis à la limite de rechercher un coin dans l’herbe pour m’allonger sur le côté et attendre que cela passe. Dans ma tête je passe en revue tout ce que j’ai pris au ravito de Sembrancher et je coche d’une croix tout ce qu’il ne faut plus prendre : chocolat / Rivella / Coca (pourtant on le donne aux nourrissons qui ont des problèmes gastriques) / bananes …. et ben il ne reste plus grand chose de permis au prochain ravito. Je dois prendre mon mal en patience. Et puis cela passe en quelques dizaines de minutes durant lesquels je suspecterais même un cancer de l’estomac. Soyez indulgent il est plus de 3h du mat et il est prouvé que c’est le moment de la journée (la nuit) où l’on est le moins lucide.

Ravito Champex Lac à 04h23 après 6h20 de course : Km 37 / Cumul D+ 2138 / clt. 152

Au ravito certains coureurs sont en peine et demandent la navette de retour. Moi je me sens bien. Je commence à avoir froid. Je mets la Gore Tex et longe le lac. Nous sommes bientôt entre chien et loup, on perçoit au-dessus des crêtes des massifs qui nous surplombent une lumière qui devient de plus en plus « bleutée » : l’aube pointe son nez. Et en parlant de massif il s’agit bien du massif du Mont-Blanc que nous allons gravir en nous dirigeant vers la cabane d’Orny, il s’agit de la plus grosse difficulté de cette X-Alpine à savoir +1400 mètres de D+ mais sur un terrain très compliqué : deux murs dans un pierrier.

Et il s’agit de mon deuxième moment de grâce : le levé de soleil en gravissant Orny. J’ai beaucoup de mal à monter, je n’ai pas le guane qui ne veut pas revenir, j’ai le souffle court, je manque de puissance dans la montée. Mais ce n’est pas grave, c’est beau et c’est tout ce qui compte.

C’est la sixième fois que je gravis Orny et en moyenne c’est bouclé en 2h50 (et après avoir essuyé les 1900 mètre de D+ du Catogne !), or cette fois-ci je vais mettre 3h12 mon plus mauvais chrono. C’est bien la traduction d’un état de méforme, « d’un jour sans ».

On commence par le pierrier de la mort qui tue, celui qui mène au col Breya. C’est un mur et très souvent on a besoin de ses mains pour grimper/contourner d’énormes blocs de pierre. On avance tout doucement, sans jamais s’arrêter. J’ai toujours le souffle court et je me remémore cette antienne : « Ne crains pas d’être lent, crains d’être à l’arrêt ». Alors tant que j’ai la force de mettre un pied devant l’autre, je continue inlassablement, poussé pour ne pas dire propulsé par la beauté des paysages qui m’entourent. Et c’est un réel plaisir de les voir s’illuminer au fur et à mesure que les rayons du soleil naissant les frappent. C’est ce qui distingue les expériences vécues par les traileurs de celles des randonneurs. Les traileurs sont sur le chemin 24/24 leur permettant d’être au rendez vous de configuration de lumières extraordinaires qui durent quelques dizaines de minutes alors que les randonneurs sont encore dans leur refuge en train de prendre le petit déjeuner ou encore en train de dormir. Et malheureusement après l’heure du rendez vous, il est trop tard.

Après le col Breya le parcours nous offre un peu de répit sur un chemin longeant le flanc de montagne. Il est assez court ce chemin, juste ce qu’il faut pour reprendre nos esprits…et attaquer le dernier mur en direction de la cabane d’Orny.

Ravito Cabane d’Orny à 07h31 après 9h28 de course : Km 46 / Cumul D+ 3600 / clt. 134

Et on attaque la descente, très technique « de la mort qui tue » en direction de Saleinaz puis de La Fouly. J’ai pour habitude de mettre autant de temps sur cette portion du parcours que j’en ai mis pour faire Champex / Orny c’est à dire 2h50. Las, cette fois je vais encore signer mon plus mauvais chrono : 3h12 quand je pénètre au ravito de La Fouly. Mes jambes sont faibles, je dois redoubler de vigilance pour éviter la chute fatale dans un pierrier. Et bien que l’on soit au petit matin, le soleil cogne sur le casque. Entre temps je salue d’un coup de chapeau le couple de retraité à Saleinaz qui attend les coureurs avec de l’eau devant un abreuvoir car il est impossible d’arriver à la Fouly sans avoir rechargé ses flasques depuis Orny. Je n’ai pas de bonnes sensations mais ce n’est pas grave j’en ai pris mon partie et puis je suis là avant tout pour profiter du paysages et saluer les très nombreux randonneurs qui viennent en sens inverse. Ils sont nombreux car nous sommes sur le parcours du TMB (Tour du Mont Blanc) entre Saleinaz et La Fouly attirant en cela de très nombreux visiteurs, pour ne pas dire pèlerins, en sac à dos.

Ravito La Fouly à 10h43 après 12h41 de course : Km 61 / Cumul D+ 4013 / clt. 115

Je prends mon temps à La Fouly et je vais désormais prendre du bouillon vermicelles à chaque ravito et franchement cela change la vie ! C’est pour moi une grande découverte. J’ai besoin de salé. Je n’en peux plus des sucreries. Et c’est tout ragaillardie que je quitte le ravito pour attaquer l’ascension en direction du col Fenêtre avant de bifurquer vers le col du Grand Saint Bernard.

Et cette fois je remplis mes flasques bien à fond. Et pourtant je me fais un peu peur, encore et encore comme chaque année, en ayant la crainte de manquer d’eau d’ici le ravito prévu dans plus de 3 heures sous un soleil de plomb.

Je ne peux pas dire que je passe un grand moment sur cette ascension. Toujours cette chappe de plomb sur ma tête, les jambes qui ne veulent pas fournir toute la puissance voulue, j’ai vraiment du mal à m’arracher. Après le col Fenêtre on redescend quelque peu, le ciel se couvre et le vent se lève. J’ai hâte d’arriver au ravito du Grand Saint Bernard, la température a chuté. A peine je pénètre sous la tente que j’ai envie de m’en extirper, il fait froid, le vent me glace. Vite, je remets ma Gore Tex.

Ravito Grand Saint Bernard à 14h05 après 16h03 de course : Km 75 / Cumul D+ 5399 / clt. 76

La montée vers le col des Chevaux n’aura jamais été aussi laborieux en 5 éditions. Je me traîne et me fais dépasser par de nombreux traileurs ce qui n’est pas dans mes habitudes dans les cols. En général je suis plutôt un bon grimpeur qui gagne des places dans ces configurations. Le Guane n’est toujours pas là…n’a jamais été aussi absent. J’aime beaucoup la descente en direction de Bourg Saint Pierre avec son barrage des Toules. C’est un moment de répit après la dangereuse descente du pierrier. Le paysage redevient plus pastoral avec des « prés aux vaches ». Cela dit je n’arrive pas bien à relancer, je cours quelques dizaines de mètres puis je dois marcher, je cours encore quelques dizaines de mètres, et je dois marcher… Au bout d’un moment c’est assez lassant, lorsque je suis le long du barrage, je ne fais que marcher en compagnie d’un groupe de 3 coureurs. Et puis dès que je leur dis que nous sommes « à moins de 15 minutes de BSP…si on court » tout d’un coup tout le monde se met en mouvement pour courir les deux derniers kms. Enfin cela ne dure pas non plus très longtemps car il y a une petite montée juste avant de pénétrer dans le village. Mais on sent comme un sentiment de délivrance. A BSP j’ai décidé de prendre mon temps et de bien manger…ce que j’ai laissé dans mon sac de change qui attend tous les coureurs.

Ravito Bourg Saint Pierre à 17h02 après 18h59 de course : Km 90 / Cumul D+ 5820 / clt. 92

J’ouvre mon sac de change pour y trouver un tupperware de fusili, de la pâte à tartiner crème de noisettes du Piémont que je me suis confectionnée moi-même et également un cookie (home made of course !). Et je ne sais pas ce qu’il se passe cela me requinque comme jamais !!!! J’avale tout (les pâtes) et les quelques cuillères à café de pâte à tartiner me font un bien fou. J’ai l’impression que je viens de changer de moteur à BSP ! Il s’agit de 20 minutes d’arrêt mais j’ai l’impression que je ne suis plus le même en sortant. J’attaque la montée vers la Cabane de Mille avec de nouvelles jambes. La température est encore élevée mais j’arriverai assez vite en altitude où le petit vent apportera sa fraîcheur.

Je monte d’une traite jusqu’à la cabane de Mille, rien à dire c’est propre comme trajectoire. Le guane est revenu. D’ailleurs mon chrono est pile poile celui que j’ai toujours réalisé sur ce parcours c’est à dire 2h45 peu ou prou.

Ravito cabane de Mille à 19h54 après 21h51 de course : Km 101 / Cumul D+ 6875 / clt. 81

Et voilà que commence le nouveau parcours de cette X-Alpine nouvelle formule, nouveau format 100M « by UTMB ». Je vais découvrir de nouveaux paysages, nouveaux sentiers, j’ai hâte de passer sur cette fameuse passerelle qui surmonte un glacier que je n’ai vu qu’en photo dans les magazines 🙂 !

Et ce chemin en direction de Brunet va être pour moi une pure merveille. Cela sera mon troisième moment de grâce. Le parcours est extrêmement alpin. Je serai complètement seul jusqu’à Brunet sans croiser qui que ce soit. Le soleil est couchant, le massif montagneux en face de moi est en train de se parer de couleurs chamarrées, violet, rose, cuivrée c’est selon. Mais c’est juste splendide ! C’est pour vivre des moments de grâce comme celui-ci que je cours ces épreuves et malgré les souffrances et les efforts requis, quels beaux moments de récompense.

Les photos ne rendent jamais ce que l’on peut voir de ses propres yeux immergés totalement dans ce décor. Je suis seul mais roi du monde !

C’est trop court…j’arrive déjà à ce qui semble être la cabane Brunet, la lumière va bientôt disparaître.

Ravito cabane Brunet à 21h43 après 23h40 de course : Km 110 / Cumul D+ 7124 / clt. 74

Et quel accueil à Brunet ! On me porte mon sac pour que je puisse prendre ma frontale. On me demande si tout va bien. Je suis chouchouté par des bénévoles très prévenants. Moi je vais rester ici. En fait je ne le sais pas encore, ici c’est le paradis avant l’entrée en enfer…

Je ne fais pas trop attention à ce qui nous attend. Je vois rapidement sur le topo qu’il y a deux petits cols avant une énorme descente vers Lourtier. Et c’est plutôt cette descente infernale qui me fait peur et retient toute mon attention, envahit mon esprit. Or j’ai bien tort de ne pas mesurer la difficulté qui m’attend, surtout en pleine nuit. Car devant soi il reste deux ENORMES difficultés que je sous estime complètement et qui vont me flinguer en plein vol.

Il fait nuit, la paysage est (ou tout du moins était) minéral. C’est très très alpin…mais dans quelques minutes on n’y verra plus rien ou tout du moins seulement ce que le faisceau de notre frontal voudra bien nous dévoiler. « Espace rétréci, difficulté endurcie » auteur inconnu.

Le chemin est escarpé, technique. Pour l’instant c’est du plat. Il fait noir. Cela me semble assez simple jusqu’à maintenant… jusqu’à devoir grimper. Et là cela grimpe de manière assez sèche. Et là je ne comprends plus ce qui m’arrive. Je lève un peu la tête et là horreur j’aperçois à un niveau beaucoup beaucoup trop haut des lumières de frontales qui me font comprendre que c’est une paroi, un mur, IMMENSE que l’on doit grimper. Je n’avais absolument pas réalisé, je n’étais pas psychologiquement préparé. Je prends un coup de bambou derrière la nuque tel que j’en ai rarement eu sur un Ultra. Je suis en train de traverser le pire moment de souffrance de cette épreuve. Sur les derniers hectomètres je suis à l’agonie. Non Grégory, non tu ne vas pas lâcher…cela serait la première fois que tu marques un arrêt sur une ascension, non, non, pas maintenant. Et pourtant mettre un pied devant l’autre sur cette pente qui doit être à au moins 25/30 % requiert de devoir piocher en moi de l’énergie que je n’ai plus. J’entends la voix de ce bénévole en haut de ce col infernal qui encourage le coureur qui est devant moi. Je lève la tête et horreur je n’y suis pas encore, si proche la voix…si loin la lueur de la frontale. Allez encore allez encore, j’ai l’impression de cracher mes poumons, je suis à deux doigts de craquer. Non tu ne t’arrêteras pas, pas maintenant, pas pour la première fois, tu ne signeras pas une première fois. Encore un pied devant l’autre. Je suis dans un autre espace temps, et puis…j’arrive enfin devant ce panneau qui marque le col. Je me retourne pour en connaître le nom, le nom de cet infâme : le col d’Avouillon. Le col qui a failli avoir raison de moi ! Je sens les endorphines d’en avoir fini. J’ai besoin de discuter avec le bénévole. Je lui demande ce qui reste à parcourir et puis elle est où cette fameuse passerelle ? Il fait nuit noir, devant moi que du noir et quelques lueurs de lucioles. Ce sont les frontales mais dont je ne comprends pas du tout la répartition. Il y en a partout, c’est complètement dispersé. Il m’explique,

« Tu vois tout en bas les trois frontales ? »

« Euh oui pas bien… et alors ? »

« Et bien c’est la passerelle. »

« Ah ! et ensuite c’est bientôt fini ? Mais c’est où Panossières ? »

« Ensuite cela monte, gentiment pour 300 mètres de D+…attention assez raide au début »

« Pas comme le col d’Avouillon quand même ? »

« …… » silence gêné.

Je ne demande pas mon reste et j’y vais. La descente est hyper technique. On ne voit rien c’est bien simple. Je perds un peu les rubalises. Un vrai jeu de piste. J’entends le brouhaha d’un énorme torrent que l’on ne voit pas, bien entendu. Alors on l’imagine. A quoi ressemble-t-il ? Je ne sais pas. Il y a un peu plus de monde désormais, je croise des coureurs. Et puis enfin je me retrouve devant le panneau de la fameuse passerelle tant attendue. Aucun éclairage public ici. Seule la lueur de ma frontale me permettra d’éclairer le plancher en grillage au dessus d’un vide, mais quel vide ? On ne voit rien du tout. On entend un énorme torrent qui semble passer en dessous.

La traversée de la passerelle est une aventure à elle toute seule. Le noir le plus profond m’enveloppe propice à toute l’imagination possible. Cette passerelle est très mobile. Il nous a été rappelé de ne pas courir sur celle-ci. Comment? Les ingénieurs n’ont pas calculé l’impact du passage de coureurs de l’X-Alpine ? C’est rassurant. Et franchement en imaginant le gouffre en dessous de mes pieds et en étant légèrement balloté par le tablier mobile alors que je suis tout seul sur cette passerelle et dont je ne vois pas le bout, je n’en mène pas large. Mais elle mesure combien cette passerelle ? Et si elle se rompt je m’accroche à quoi ? Oui c’est complètement absurde les films que l’on se fait, complètement irrationnel mais pourtant c’est plus fort que moi. L’adrénaline coule vraiment dans mes veines et mes pulsations augmentent ! C’est assez instinctif et animal comme sensation, cette sensation de peur irraisonnée, que je ne peux pas raisonner. J’ai vraiment les jambes qui flageolent ! Et c’est donc avec un soupir non dissimulé que j’arrive au bout.

Youpiii c’est fini ?

Non il reste les fameux 300 mètres de D+ à priori pas compliqués. Disons c’est ce que je pense. Mais c’est quoi ces coureurs qui redescendent ? Je vois des lueurs de frontales de coureurs dans le sens contraire du parcours que je m’apprête à emprunter. Je ne comprends rien. Ils abandonnent ?

Je commence une ascension, cela monte, cela monte. Et là je me fais surprendre une nouvelle fois. C’est un chemin de crête droit dans la pente. C’est une montée à 30% qui me cisaille les jambes net. J’ai le souffle court une nouvelle fois, je suis complètement surpris par ce qui m’arrive. Il faut une nouvelle fois piocher. Je n’ose pas lever la tête pour prendre le risque de voir des lueurs de frontale suspendues dans les airs me donnant une idée du mur qui reste à franchir. Autant ne pas savoir dans ces conditions dantesques. Mettre un pied devant l’autre et serrer les dents constitue pour moi la meilleure stratégie de gestion de course d’un coureur à l’agonie qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive. NB : « le coureur à l’agonie » c’est moi. Je me souviens qu’à cet instant je me dis que le mur « Lourtier / La Chaux » c’est pour les minettes. Et que ce mur a trouvé son maitre : c’est le mur de Panossières.

Après ces quelques encablures de souffrance me voilà arrivé sous la tente de Panossières. Il faut que je reprenne un peu mes esprits…

Ravito cabane de Panossières à 00h14 après 26h11 de course : Km 117 / Cumul D+ 8015 / clt. 68

Autant le dire, je me suis fait surprendre, cueillir, tabasser par ce que je viens de vivre depuis Brunet. Franchement là je ne comprends pas bien ce qui m’est arrivé. Je suis un boxeur groggy. C’est à ce moment, sous cette tente de Panossières, que je me dis que cette X-Alpine nouvelle formule sera pour moi la dernière. J’en prends l’engagement et je suis prêt à signer. Où se trouve le papier et le stylo s’il vous plaît ?

Il faut repartir pour reprendre la descente très longue m’a-t-on prévenu en direction de Lourtier. Et franchement j’ai hâte à ce moment de me retrouver au pied du mur Lourtier/La Chaux qui est un mur pour les minettes à côté de ce que je viens de vivre c’est sûr !!! Et le pire c’est ce que c’est vrai. Car ce mur à venir je sais que je vais le carboniser. Cela ne peut pas être pire que ce que je viens de vivre.

C’est parti pour la descente. Mais c’est quoi ce parcours, on revient sur nos pas ? On ne voit rien du tout. A quel moment on bifurque vers Lourtier ? J’aime bien les parcours qui revienne sur leurs pas mais je n’ai pas du tout l’intention de me retrouver sur la passerelle en ayant manqué l’embranchement.

Franchement le balisage est juste indigent. Je suis obligé de demander à un coureur de l’X-Traversée pour comprendre à quel moment je dois bifurquer sur la droite. Et ensuite on voit très mal les rubalises. Je suis contraint de me mettre à l’arrêt à deux ou trois reprises pour être sûr que je ne me suis pas égaré.

Finalement après quelques hectomètres de dénivelés négatifs le chemin est sans ambiguïté. C’est d’ailleurs assez drôle ce chemin le long d’un cours d’eau longeant une paroi rocheuse. Jusqu’à Lourtier je vais descendre en compagnie d’un runner très sympatique avec qui j’échange des anecdotes d’Ultra. Ce runner, je ne saurais jamais comment il s’appelle. Car sur toute la descente je jouerai le rôle d’ouvreur et n’aurai aucun moyen de jeter un œil à son dossard. Au bout d’un moment la descente se fait hyper technique dans un single track qui commence à fortement me lasser. Je commence à en avoir plein les chaussures de runnings de cette descente qui n’en finit pas. Et à un moment donné, je suis obligé de m’arrêter pour reprendre mon souffle, mais surtout un peu d’envie de continuer.

Oui autant le dire j’en ai marre et ne le cache auprès de mon compagnon traileur. Cela fait du bien d’ailleurs de l’exprimer. Je n’en peux plus de cette X-Alpine. Après Fionnay on marche l’un à côté de l’autre sur la route, cette partie étant plate. Un panneau indique « Lourtier 55 minutes » : cela calme direct, comme si j’en avais besoin. Je lui dis que cette épreuve est la plus dure que j’ai jamais faite. Il me confirme en me disant : « Oui avec l’Echappée Belle ». Et à ce moment je prends bonne note dans mon carnet imaginaire des TO DO or NOT TO DO : « Ne jamais s’inscrire à l’Echappée Belle ». Je prends plaisir à discuter avec lui en mangeant une barre au chocolat cacahuète qui m’apporte du réconfort. A ce moment là moi j’ai besoin de comfort food, je ne dirais pas non à des pancakes ni à des cookies, ni à du mauvais chocolat et même du Nutella c’est pour vous dire !!! Ceux qui me connaissent et lisent ces lignes doivent tomber à la renverse 🙂 Tout me va pourvu que cela m’apporter des calories et du sucre, je ne suis pas disposé à faire le difficile. Vous constatez à quel niveau de déperdition je suis.

Ravito de Lourtier à 03h05 après 29h02 de course : Km 129 / Cumul D+ 8039 / clt. 61

Avec mon compagnon on arrive finalement plus rapidement à Lourtier que ce qui était indiqué sur le panneau pour randonneur. Et là je vais m’attaquer non pas au mur mais à la marmite de « risotto made in Lourtier » et là franchement cela mérite bien une pause avant d’attaquer le mur à minettes. Je reprends deux bonnes assiettées de risotto avec des grains de riz qui croquent bien sous la dent. Moi je le trouve formidable ce risotto pas assez cuit dont les grains de riz vous plâtrent la surface des dents. Tout me va ! Je dis à mon compagnon que je suis prêt à être premier de cordée pour attaquer le mur et surtout qu’il ne s’en fasse pas. Après col d’Avouillon et Panossières, le mur Lourtier / La Chaux et ses 1200 mètres de D+ sont juste une formalité. On devrait l’engloutir en un peu plus de 2 heures.

Et j’attaque prêt à donner l’estocade à cette X-Alpine. Et très vite je perds derrière moi mon compagnon. Je monte à un train d’enfer. Et je peux le dire à ce moment là de la course j’ai retrouvé le Guane ! Et cette montée je vais en faire une bouchée « one shot » pliée en 2 heures et 7 minutes soit un chrono tout à fait en ligne avec mes précédents temps sur ce parcours (2h18 / 2h04 / 2h01 lors de mes trois précédentes éditions de finishers).

NB : A noter que contrairement aux autres éditions, ce mur est franchi lors d’une deuxième nuit blanche consécutive, j’avais vraiment le « Guane retrouvé » !

Ravito de La Chaux à 05h12 après 31h09 de course : Km 135 / Cumul D+ 9242 / clt. 62

C’est presque en vainqueur que j’arrive à La Chaux où l’on est accueilli toujours par le même gérant. C’est assez sympa de revoir toujours la même tête. Je n’ai pas trop envie de traîner. Je ne veux qu’une chose : EN FINIR.

Le jour se lève, je peux ranger la frontale. Le long de ce cours d’eau il faut un froid de canard. Je me gèle grave. Vite vite, mais à quel moment on bifurque à gauche ? C’est très long ce chemin, je veux quitter ce cours d’eau qui me refroidit comme si je courrais le long de la banquise.

Et c’est enfin parti pour le plongeon en direction de Verbier. Bon je connais par cœur ces circonvolutions dans le sous bois où les racines menaçantes sont là pour vous arracher le pied vous empêchant de rallier Verbier pourtant située à 3/4 kms.

Et là mauvaise surprise…. le parcours de la fin de course a été sensiblement rallongée pour des circonvolutions totalement inutiles dans des sous bois pour nous faire prendre la route et passer devant le W ! Une fin qui n’en finit plus et qui n’apporte absolument rien par rapport à la traditionnelle fin beaucoup plus directe et intéressante sous le télésiège ou télécabine. Alors que je suis super en jambe je vais mettre 10 minutes de plus que d’habitude pour faire cette descente sur Verbier.

Et c’est bientôt fini.

Personne dans Verbier et j’adore cette ambiance de réveil matin. Je suis seul, mais roi du monde. Je savoure les quelques hectomètres qui me restent dans Verbier. Je croise un seul piéton. Il est 6h30.

Je vois le photographe là bas sous l’arche. Les endorphines commencent à m’envahir, je suis à point, prêt pour le décollage.

Finisher

Epilogue

Oui, message à l’attention des organisateurs : ce nouveau format d’X-Alpine est BEAUCOUP plus difficile que le précédent.

A ce jour de retour à Paris, je n’ai encore rien signé.

Récit de course : Ultra Trans Aubrac 105 kms (16 avril 2022)

« L’Ultra Trail où l’on vient pour manger ! » (citation d’un copain ancien finisher de la Trans Aubrac)

Quel bonheur de revenir en Aubrac après deux années vierges de compétition pour les raisons que l’on sait.

C’est ma sixième participation consécutive à cet UltraTrail que j’affectionne particulièrement. Principalement pour deux raisons : tout d’abord parce que c’est le premier UltraTrail auquel j’ai participé et également parce qu’il est formidable sur de nombreux points. On ne le court pas seulement pour la beauté des paysages mais également pour la gastronomie et son ravito 3 étoiles.

La préparation

Cet Ultra se positionne 6 jours après avoir terminé en finisher (j’aime les tautologies) l’ISTRIA 100 (récit ici) soit après un 100 miles. J’ai fermé les oreilles pour ne pas entendre les cris de ceux autour de moi qui étaient susceptibles de me dissuader d’enquiller deux Ultras avec si peu de jours d’intervalle de récupération. Et je loue ma femme de m’avoir donné le feu vert pour vivre deux belles aventures. En fait pour la petite histoire j’étais inscrit depuis longtemps à la Trans Aubrac. Et puis ma femme me donne l’opportunité d’aller courir l’ISTRIA 100 comme ça, sur un coup de tête. Et quand votre femme est toute disposée à s’occuper de vos jumeaux de 4 ans sur deux week-end d’affilé, vous ne réfléchissez pas, il faut dire OUI. Il n’y a pas d’autres alternatives.

Pour en revenir à la récupération. J’ai deux choses à dire. La première est de considérer que 6 jours sont suffisants pour la récupération musculaire des quadriceps dont les courbatures durent 48 heures. Ce qui constitue un atout : on s’aligne en conséquence avec des jambes en béton lors de la deuxième épreuve puisque le travail de destruction/reconstruction des fibres musculaires est achevé. En revanche, l’inconnue a plutôt trait à la récupération de la fatigue due à la nuit blanche qui a suivi le départ de l’ISTRIA 100 le vendredi précédent. Et force est de constater que c’est un peu juste. Les nuits qui suivent une nuit blanche pour moi sont plutôt hachées. Durant cette semaine il m’a été impossible d’ouvrir l’œil vers 5 heures du matin comme j’en ai l’habitude pour aller faire mon petit jogging de 1h30. Je n’avais pas prévu d’en faire avant le jeudi. Las, c’est bien sans aucun kms de récupération (à une époque on parlait de séance de décrassage) que j’arrive en Aubrac le vendredi 16 avril 2022 à 16 heures par avion à Rodez.

Les heures se succèdent assez vite. Je suis à Saint Geniez d’Olt dès18 heures et je dois vite aller récupérer mon dossard.

Comme j’en ai maintenant l’habitude je dîne chez Antoinette pour manger des crêpes. Cela me réussit très bien d’autant que celle au sarrasin et gésiers de canard est juste fabuleuse.

En revanche ce qui me réussit moins bien c’est la nuit qui précède le départ programmé à 6 heures du matin à Bertholène à 40 minutes de route de St Geniez d’Olt. Une navette nous attend à 4h15 pour nous conduire au départ. Il faut en conséquence se réveiller à 3h30. Cela fait une nuit très courte. Le problème est … qu’à 1 heure du matin je n’ai toujours pas fermé l’œil. C’est terrible une insomnie la veille d’une course. J’ai connu cela sur ma première X-Alpine (soldée par un abandon récit). J’ai dû dormir quelques dizaines de minutes et j’ai malheureusement besoin d’un réveil pour m’extirper du sommeil. Cela commence mal. Et ce n’est pas fini.

L’hôtel dans lequel je loge organise un petit déjeuner pour les coureurs de l’Ultra. Et je ne sais pas pourquoi j’y prends part alors que c’est une entorse à mes principes de préparation d’avant course. Et là je ne sais pas ce qu’il se passe. Cela dérape. Je craque pour un croissant, et après le croissant sur la brioche locale (la fouace aveyronnaise). Argghhh ! Je précise qu’en principe j’ai pour habitude de partir avec l’estomac plutôt léger. Cela m’a toujours réussi.

Navette à 4h15, arrivée à Bertholène à 5h dans le gymnase rempli de coureurs. Et une voix familière est diffusée à travers les enceintes, il s’agit de la voix de Patrick Montel qui est sur l’estrade en tant qu’invité animateur. C’est assez drôle de le voir ici sur une course de la Trans Aubrac où nous courrons en moyenne à 5 km/h alors que j’ai le souvenir de l’entendre commenter les courses de Carl Lewis et Ben Johnson au JO de Séoul. C’est ce qui s’appelle le grand écart.

Et nouvel écart gustatif de ma part. On découpe sous mes yeux ébahis un gâteau à la broche. Quelque chose s’active dans mon cerveau. Le circuit de la récompense se met en marche et me pousse irrésistiblement à tendre la main pour prendre 2 ou 3 morceaux (je crois que c’est 4 en fait). Puis après avoir engloutis cela je retourne une nouvelle fois vers ce comptoir pour en prendre encore plus. Mais pourquoi personne n’est là pour m’attacher à un mat ? Bref c’est ce qui s’appelle le gros Binge. En Croatie j’employais l’expression « hostile la nature ! » (voir récit), ici c’est plutôt « hostile la nourriture ».

6 heures c’est le top départ

Nous montons au pied du château de Bertholène qui est en haut d’un piton rocheux pour atteindre le sas de départ. Il fait un peu froid, nous avons tous enfilé notre coupe vent, je n’ai pas vraiment le moral avec tout ce que j’ai ingurgité. J’ai la sensation de ne pas être vraiment dans l’ambiance. Et c’est le feu d’artifice qui embrase la château. C’est parti. Le départ est toujours magnifique accompagné d’une musique assez entêtante. C’est pour moi l’heure de vérité ces premiers hectomètres car je n’ai pas couru du tout, (du tout !) depuis le passage de la ligne de finisher samedi dernier sur l’ISTRIA 100.

Cette première partie est hyper roulante. Des chemins de 4*4 sur du plat et légers faux plats. Cela part toujours très très vite. L’aube est là, la lumière est belle. Je me réchauffe. Premiers arrêts : pipi/rangements de ma gore tex… Je suis parti les flasques vides comme j’en ai toujours l’habitude car je sais tenir 2h40 sans boire. Mais en l’espèce c’est une erreur car l’air est très sec et comme je me suis goinfré de viennoiseries mon estomac a besoin de liquide pour digérer tout cela. Je trouve finalement le temps long jusqu’au ravito de Saint Cômes d’Olt.

Ravito 1 : St Côme d’Olt / 2h39 depuis le départ / km 10 / cumul D+ 190 / clt. 191

Il est 8h44 du matin. Cela commence à cogner sur le casque. Evidemment à chaque ravito c’est le rituel des 3 gobelets de Coca qui font ici un bien fou. Et je n’ai vraiment pas faim. Je remplis au max mes flasques. Moment toujours extrêmement désagréable lorsque l’on se met de la crème solaire qui sent aussi mauvais. Et dès la sortie du ravito c’est le premier grand coup de mou. Mon estomac est gonflé comme un ballon : j’ai l’impression que les viennoiseries que j’ai encore dans l’estomac viennent de tripler de volume avec l’ajout du liquide que je viens d’ingérer. Mes flasques que je porte sur le torse pèsent 1 litre et me lestent vers l’avant. Bref, j’ai l’impression de peser le poids d’un tank. Je me fais déposer par des dizaines de coureurs (des solos comme des nombreux relayeurs qui filent comme des flèches puisqu’ils viennent de prendre le relais à St Côme). Je suis habitué désormais à ne plus prendre ombrage de ces coureurs qui vous dépassent, certains vous disent « bonne course » sur un ton condescendant qui en dit long. Et justement je choppe dans mon viseur le numéro de dossard d’un de ces jeunes loups qui me dit « bonne course » sur un ton un peu ironique en volant littéralement. Je me dis qu’il est assez risqué d’avoir ce type d’attitude vis à vis des autres coureurs, surtout maintenant, et d’avoir trop confiance en soi. En effet un Ultra c’est LONNNNGGG, il peut se passer BEAUCOUUUUUUP de choses. Et en l’occurrence je dépasserai au km 75 en début de soirée ce même jeune homme quasiment à l’arrêt (en train de marcher) qui me dit qu’il ne peut plus descendre les pentes car ses quadriceps sont en feu. Oui, à ce moment là on fait moins le malin.

Cette partie jusqu’à Laguiole est particulièrement difficile, c’est selon moi la partie la plus compliquée de cet Ultra. Car ce n’est qu’une succession de faux plats, petits « raidars » dans les sous bois. Mais on traverse des lieux magique comme cette Abbaye de Bonneval.

Ravito 2 : Abbaye de Bonneval / 4h16 depuis le départ / km 32 / cumul D+ 1150 / clt. 252

Au niveau du classement c’est effectivement la dégringolade comme j’ai pu le constater durant la course. Je n’ai pas arrêté de me faire dépasser. Mais peu importe, tant que je suis capable de mettre un pied devant l’autre, je continue. J’ai toujours cette citation en tête : « Ne crains pas d’être lent, crains d’être à l’arrêt ». J’ai du mal à relancer, j’ai une vraie fatigue, envie de dormir. J’ai l’impression d’avoir un casque sur la tête. Lors de mes 6 Trans Aubrac à ce stade de la course je n’ai jamais été aussi mal. En bref, « je n’ai pas le guane ! ».

Ravito 3 : La Vitarelle / 5h52 depuis le départ / km 42 / cumul D+ 1891 / clt. 215

Cela ne va toujours pas mieux. Mais cette fois je prends plaisir à discuter avec un coureur. On a des discussions de CAP et puis très vite on arrive sur des sujets improbables comme le danger de l’usage des écrans/tablettes par les enfants/adolescents et comment gérer ces situations qui mènent à l’échec scolaire. Je ne sais plus vraiment comment on est arrivé à dériver sur ce sujet qui, il faut le dire, me tient à cœur et m’inquiète étant le père de jumeaux de 4 ans. C’est un peu plus profond que le sujet concernant l’usage ou non de la machine à laver pour ses chaussures de runnings (cf. Tor des Géants).

Je me remets un peu en selle sur cette partie de course. Comme quoi sociabiliser sur une course apporte du réconfort et change les idées. On se sent mieux.

On traverse néanmoins des chemins de pierre complètement engorgés de boue qui ralentissent énormément la cadence. Concrètement je m’aperçois assez vite que mon objectif de terminer à St Geniez juste avant le début du JT de 20 heures présenté par Jean Claude Bourret est d’ores et déjà hors d’atteinte et qu’au mieux du mieux j’arriverai à la fin de la présentation de la météo d’Evelyne Dhéliat.

Ravito 4 : Laguiole / 7h40 depuis le départ / km 53 / cumul D+ 2194 / clt. 176

Il est 13h46. J’avais prévu 13h, je suis totalement dans les choux. Et même pour arriver au début du prime time du samedi soir cela va être très compliqué. Je récupère mon sac de change et ma boîte de brownies que je vais engloutir et arroser tout cela d’un mélange coca + eau minérale. J’ai pour tradition en sortant de ce gymnase surchauffé de téléphoner à ma famille en marchant (pour ne pas dire en titubant) et en traversant la fameuse forge à couteaux Laguiole. C’est le moment où je partage mon état de souffrance en donnant un peu le change : « Oui oui je vais bien. » / « C’est formidable » / « Je vais prendre mon temps pour contempler le paysage ». Dans les faits je suis « explosé » mais cela ne se dit pas et puis je sais également que rien n’est immuable, surtout sur un Ultra. Les choses évoluent assez vite.

On attaque la plus belle partie de cet Ultra : les plateaux de l’Aubrac. Mais pour cela il faut quand même grimper un peu. La température a bien baissé, le vent est assez fort et surtout il joue le rôle d’un réfrigérateur. C’est le passage vers la station de ski. A noter qu’il s’agit de la troisième édition qui comporte un changement de parcours assez significatif par rapport à mes trois premières participations, comme je le regrette. En effet il n’y a plus cette ascension vers ce pic, ce promontoire exceptionnel (voir les photos ici extraits de mes précédents récits) où j’écarte les bras comme pour embrasser ce paysage. Pour la petite histoire, un peu triste, le propriétaire de ces terres n’accepte plus que la Trans Aubrac traverse son territoire sans…recevoir une contrepartie au passage. Ce que les organisateurs lui ont toujours refusé.

Le ciel est assez couvert et le vent est glacial pour les supporters assistants qui sont emmitouflés, et pour certains dans des anoraks. C’est ainsi que je reprends un peu de jambe dans les faux plats et arrive plutôt en bonne forme dans le temple/le saint Graal de cette Trans Aubrac à savoir le Buron des Bouals qui contient ce fameux ravito 3 étoiles !

Ravito 5 : Buron des Bouals / 11h10 depuis le départ / km 77 / cumul D+ 2946 / clt. 146

Il est 17h16 : moment du tea time !!! Cela dit c’est la première fois que je vais aussi peu manger à ce ravito exceptionnel confectionné par un chef pâtissier. Je n’ai pas faim et n’ai vraiment pas envie de me tirer une nouvelle balle dans le pied alors que je retrouve quelques bonnes sensations. Ainsi mon arrêt se limitera à prendre un fond de bol de soupe au vermicelles, deux demi tranche de farçous (toutes petites j’vous jure !!) et des morceaux de saucissons. Car il faut bien le dire « dans le saucisson tout est bon ! ». Et c’est vrai que j’ai une envie irrésistible de salé, je mangerais bien une entrecôte ! Je ne m’attarde pas, je repars…et après avoir fait 100 mètres je me dis qu’il faudrait que je prenne encore des tranches de saucissons tellement cela me fait un bien fou cette chose là !

La partie qui vient est très belle. J’avance à un assez bon rythme, ce n’est pas non plus aussi rapide qu’en 2016 où j’ai le souvenir d’avoir couru même dans les faux plats montants. Mais la difficulté est quand même présente en raisons de tourbières qu’il est parfois impossible de contourner : et splash ! Il est inutile de jouer à l’acrobate. Autant mettre les pieds dedans en veillant à ne pas y laisser ses chaussures.

Et je sais que cette toute dernière montée le long des deux burons (voir photos) sonne la fin des plateaux de l’Aubrac.

Et on amorce la forte descente. J’aime particulièrement cette partie où je retrouve mes jambes pendant environ 1 heure. Ce sont des pistes assez larges où je cours assez rapidement.

Ravito 6 : Cascade de Lacessat / 12h47 depuis le départ / km 88 / cumul D+ 3131 / clt. 127

Il est 18h52. Après cette partie qui était rapide on va attaquer la deuxième difficulté de cet Ultra. La traversée du sous bois et ses deux raidillons de la mort.

La partie en sous bois est beaucoup moins drôle. Je prends un grand coup sur la tête (ie : entendre « je suis crevé »). Impossible de relancer sur ce single track. Et puis il y a toujours cette partie de « traversée du Mékong » qui est plus détrempée que jamais. Nous ne sommes pas des runners mais des soldats avec le couteau entre les dents en trains de trouver un passage, les pieds dans l’eau et en se tenant aux branches des arbres. Pas simple pour nous autres Rambo !

La voila la première pente « droit dans le pentu ». Sur les premiers 10 mètres il faut parfois mettre les mains car il s’agit bien d’un mur de terre que l’on nous demande d’escalader. Et autant le dire je n’ai plus du tout de jus. J’ai pour habitude sur ces parties de plutôt bien m’en sortir mais en l’espèce je dois actionner le pilote automatique et surtout ne pas lever la tête pour ne pas voir le reste de la pente.

Moment de grâce lorsque les rayons du soleil à l’horizon donnent des teintes chaudes (jaunes/oranges) au paysage. Les descentes sont assez raides et sollicitent énormément les quadriceps qui peuvent être en feu si on n’a pas été suffisamment entraîné. L’ISTRIA 100 m’a permis justement à mes muscles de passer la phase de destruction/reconstruction des fibres une semaine plus tôt si bien que les descentes ne me font plus rien (« même pas mal ! »). Ce qui n’est pas le cas du jeune coureur auquel j’ai fait allusion plus haut dans ce récit. C’est ainsi que l’on arrive dans ce très beau village de fond de vallon à la tombée de la nuit.

Ravito 7 : St Martin de Montbon / 14h35 depuis le départ / km 98 / cumul D+ 3462 / clt. 118

Il est 20h41. C’est foutu pour arriver à temps pour voir la présentation de la météo d’Evelyne Dhéliat.

Cela dit la tombée de la nuit à ce moment du parcours a quelque chose de magique. Avec deux autres coureurs nous mettons nos frontales avant cette toute dernière bosse au milieu de laquelle nous attendent beaucoup de supporters. Et là un spectacle incroyable nous attend : exactement dans l’axe de notre single track derrière les supporters qui nous attendent à sa cime un disque lunaire de toute beauté, énorme se lève juste au-dessus de l’horizon montagneux. Hallucinant ! Quel bonheur. Après tous ces efforts c’est un vrai cadeau et une réelle gratification d’assister à de telles configurations où la météo (ciel cristallin) se conjugue avec un improbable positionnement des astres.

J’ai beaucoup de plaisir à poursuivre sur le plateau qui nous attend. J’ai pour habitude de courir assez vite sur cette partie. J’ai retrouvé mes jambes et puis, je sais que c’est bientôt la fin. J’en connais presque par cœur tous les recoins et rebondissements au sens propre comme au sens figuré. Dans la nuit je dois juste faire très attention à ne pas tomber, cela m’est déjà arrivé au même endroit. Cela serait trop bête si proche de l’arrivée.

Dernière descente, très raide vers le lit du Lot. Il reste quelques kms de plats le long de la rivière avant de croiser le premier bâtiment de St Geniez d’Olt. Il s’agit d’une énorme bâtisse dont on peut voir la cheminée à travers la fenêtre.

Et puis les derniers hectomètres, cet étrange traversée de camping juste avant le contournement du gymnase de l’arrivée. Et pour finir cette entrée dans cette salle archi blindée, surchauffée, bruyante. C’est fini, finisher.

Cela dit je ne m’attarde pas ici, je n’ai qu’une envie, prendre mon sac et repartir. Dans cette salle qui doit bien contenir plusieurs centaines de coureurs/assistants/membres de famille le bruit est insupportable pour moi. C’est une foire. Et après une telle course dans la nature c’est bien la dernière chose dont j’ai envie. J’ai besoin de poursuivre cette journée de quiétude. Je repars très vite à pied pour le centre du village et m’attabler 15 minutes plus tard, seul dans le silence à la terrasse de cette crêperie « Chez Antoinette » pour déguster cette excellente crêpe de gésiers de canard. Je vous l’ai dit en préambule : la Trans Aubrac on y vient pour manger !

Synthèse et chiffres

  • Chrono : 15h40
  • Classement : 106 ièm parmi 475 partants =>> soit classement appartenant au 3ièm décile des coureurs au départ.
  • 365 finishers (taux d’abandon de 23%) donc 106/365 =>>soit classement appartenant au 3ièm décile des finishers.
  • Score ITRA : non connu à ce jour

Récit : ISTRIA 100 « by UTMB » (8 avril 2022) / L’Ultra Trail improbable

Un Ultra Trail dont je n’avais jamais entendu parlé jusqu’à ce que Loïc J. me fasse part de son inscription un mois avant la clôture.

L’istria ? C’est où ? Spontanément je localise ce lieu dans les Pays Baltes. Or après quelques recherches je comprends qu’il s’agit d’une péninsule qui appartient à la Croatie. Une avancée de terre dans l’Adriatique à quelques encablures de Venise.

« Quelle est la capitale de la Croatie ? »

Ma réponse : « Euh…. »

J’adorais jouer au jeu des capitales quand j’étais jeune et j’étais incollable ! Cela dit je n’y ai plus joué depuis mon adolescence et il faut bien le dire : avec l’éclatement des empires dans les années 90, le jeu s’est considérablement complexifié !

En effet, j’en suis resté à la version vintage des années 80 :

« Yougoslavie ? »

ma réponse => Belgrade !

ou encore :

« U.R.S.S ? »

ma réponse => Moscou !

Donc, concernant la capitale de la Croatie j’ai dû me renseigner au préalable…

L’inscription à l’ISTRIA 100 m’a permis de me remettre à niveau au moins concernant le nouveau découpage – hyper compliqué – des nouveaux états de l’ex-Yougoslavie. Concernant l’ex-U.R.S.S cela attendra que l’on y organise des Ultra Trails, ce n’est pas à l’ordre du jour manifestement.

dialogue imaginaire :

« Je participe à un Ultra qui s’intitule l’ISTRIA 100. »

« ouhaouuu, 100 kms c’est hyper dur ! »

« Euh, « 100 » ce sont des miles »

fin du dialogue imaginaire.

Le Parcours en quelques mots

  • 168 kms (format 100 miles)
  • 6560 mètres de dénivelé positif
  • 46 heures max cut off
  • Au km 100 c’est comme s’il restait ensuite une SaintéLyon (citation de quelqu’un qui se reconnaîtra)

Mon état de forme

Oui je me sens plutôt au faît de ma forme.

Après 5 semaines d’arrêt de la course à pied en février pour infection j’ai repris le 28 février et totalisé depuis 450 kms environ dont 230 kms sur les seules deux dernières semaines en courant tous les jours environ 1h40 chaque matin. Mon dernier 100 miles remonte à loin en fait. Il s’agissait de l’UTMB lui-même en 2017.

Petit nota bene à l’attention des coureurs d’Ultra ci-dessous. Les autres lecteurs peuvent sauter le passage qui ne les intéressera pas. Il a trait au libellé de la course et notamment son suffixe « by UTMB ». C’est quoi cet addendum ?

« By UTMB » c’est quoi ce truc ?

Depuis cette année, l’association UTMB Mont-Blanc fédère et accorde une licence « by UTMB » (une trademark qui a pris beaucoup de valeur) à une liste d’Ultra Trails soigneusement choisis dans le monde. Ces épreuves (une vingtaine pour l’instant) font partie du circuit « UTMB World Series » qui comprend les courses qui sont désormais les seules à fournir aux finishers les crédits leur permettant de participer à la loterie des 3 Ultras de l’UTMB Mont-Blanc à Chamonix (l’OCC, la CCC et la grande UTMB Mont-Blanc). En d’autres termes, si l’on veut participer au tirage au sort d’une des courses de l’UTMB, et bien on doit impérativement au préalable avoir été finisher d’une des courses du circuit « UTMB World Series » pour être crédité de « running stones ». Les « Running Stones » sont des « tickets de loterie » permettant de participer aux courses de fin août à Chamonix (auto proclamé capitale du Trail Running). Plus on obtient de running stones plus on augmente ses chances d’être tiré au sort. Voilà pour le concept.

Notons que cette fameuse License « by UTMB » accordée aux organisateurs de ces courses s’accompagne de critères/contraintes de qualités de services qui sont offerts aux participants. Ainsi : les organisateurs d’UltraTrails de la liste (bénéficient d’une forte promotion) les coureurs (qui bénéficient d’une qualité de prestation au top et des « running stones » pour le tirage au sort) et l’association UTMB Mont-Blanc (qui ne publie toujours pas ses comptes) : TOUT LE MONDE IL EST CONTENT !

Récit de course : enfin !

Jeudi 7 avril 2022 (veille du départ de la course)

J’arrive à l’aéroport de Trieste en Italie dans l’après midi. Un chauffeur (réservé via le site de l’organisation de la course) me conduit jusqu’à la petite cité balnéaire d’Umag. Il est 17 heures. Bon autant vous le dire, Umag c’est très moche. Cela ressemble à une de nos ville balnéaire construites à la hâte dans les années 60/70 chez nous (je ne citerais pas de noms). Mon hôtel (réservé via le site de l’organisation) est ultra moderne, il est situé à 3 kms du centre ville et du centre sportif. Dans ce dernier sont localisés à la fois la piste d’athlétisme sur laquelle figure l’arche d’arrivée de la course ainsi que la halle expo de remise des dossards. Je m’y hâte dès 17 heures pour prendre mon dossard et faire contrôler le matériel obligatoire (standard d’exigence correspondant à la licence UTMB cf. supra). Nous sommes très peu, il faut dire que sur la course 100 miles (dont le numéro de dossard est de couleur rouge) nous ne sommes que 245 inscrits (pour un numerus clausus fixé à plus de 500) et que nous ne serons que 185 à prendre le départ. Pour la première course de la toute première saison des « UTMB World Series » c’est ce qui peut s’appeler un flop. Mais c’est tant mieux pour les coureurs évidemment. Quel confort ! J’assiste à la présentation des élites dont notre français Alexandre (alias Casquette Verte qui terminera 8ièm) et je rencontre en chair et en os un correspondant Wa, Loïc J., avec lequel je corresponds depuis 2019 et qui terminera 21ièm.

Je file manger des pâtes dans un restaurant italien, et ce n’est pas bon.

Ensuite c’est direction l’hôtel pour préparer mon sac de change qui me sera restitué à mi-course et tout le matériel.

Dodo de qualité moyenne. C’est très médiocre, je me réveille fatigué.

Il est vendredi 8 avril 2022 au matin

Mes petits déjeuners à l’extérieur de mon domicile sont toujours les mêmes : scramble eggs, un thé, un peu de pain.

Je dois filer au plus vite au centre sportif pour laisser le sac de change qui me sera remis à mi-parcours. Il est 8h30, il fait déjà chaud. L’aller retour, à un rythme de marche rapide, fait 6 bornes. Cela peut sembler un peu insensé le jour de la course mais c’est ce que j’ai l’habitude de faire tous les matin après mon petit déjeuner à Paris. Il ne m’est pas possible de retourner travailler sans traverser le Palais Royal, Jardin des Tuileries, Concorde, et retour par le Palais Royal (soit 5 bornes de marche). Donc je conserve le même rythme le jour de la course dont le départ aura lieu l’après midi même si celle-ci fait 165 kms. Je dois faire vite car je suis en télétravail ce matin dans ma chambre d’hôtel au frais.

Il est prévu une conf call avec le directeur des gestions pour nous présenter un changement de process qui doit apporter transparence et simplicité. Et ce qui répond à cette définition doit pouvoir être présenté en moins de 30 minutes, c’est d’ailleurs le slot qui est prévu dans les agenda de tous les membres de l’équipe à laquelle j’appartiens.

C’est ainsi qu’après 2h30 de conf call il ne me reste plus beaucoup de temps pour terminer mes tâches opérationnelles de la journée. Je ferme l’ordinateur à 12h30, je troque ma chemise pour ma panoplie de traileur couleur Schtroumpf en clin d’œil (et ce n’est pas une blague) à la Squadra Azzura, eu égard à mes origines transalpines ainsi qu’à la passion que portent les membres de ma famille au football.

J’ai donc 3 kms à faire à pied, je m’arrête en chemin dans le même restaurant italien pour manger un plat de tagliatelles au beurre bien dégoulinant. Oui, on peut le dire, la nourriture ici c’est un drame, même pour un plat de pâtes au beurre.

14h30 départ du bus qui nous mène au départ de la course à Labin aux antipodes d’Umag. Le parcours de l’Istria 100 ressemble à une grande diagonale traversant de part en part la presqu’île. Le voyage en bus va durer presque 1h30. Je suis toujours impressionné quand je vois ce que nous arpentons en bus par l’idée qu’il va falloir faire le chemin inverse, à pied, et avec du dénivelé qui plus est ! On a envie de dire au conducteur de ne pas aller aussi loin car nous, les runners, on va devoir tout se refaire dans le sens inverse en passant par la montagne. Nous commençons à emprunter des lacets qui me brassent un peu l’estomac. Et là je pense à ma fille 4 ans qui, impatiente d’arriver à destination quelle qu’elle soit (jardin public, cabinet du médecin, station de métro etc..) a pour habitude systématiquement d’user de l’expression « On arrive à quelle heure ? ». Et bien cela sera 16h, soit 1 heure avant le départ effectif.

Le village de Labin est haut perché sur un rocher (et cela sera une constante pour tous les villages que nous allons traverser durant la course), avec un surprenant puits de mines en périphérie.

Nous attendons 1 heure et il fait assez froid à Labin. Le ciel est couvert, aucun rayon de soleil.

le départ d’une course de quartier

17 heures : Top départ

Et l’on commence par une bonne descente. On part vite, trop vite. J’ai les jambes un peu flageolantes. Le sentier est jonché de grosses pierres. C’est assez technique mais mes SpeedGoats EVO sont vraiment exceptionnelles sur ce type de terrains. J’attaque par le talon et l’amorti de la chaussure fait le reste.

On sent que le climat va être assez menaçant. Il était temps que l’on se mette en mouvement car la température baisse assez vite.

Ravito 1 : Plomin km 15.5 / D+ cumul 486 / 1h45 depuis le départ / 75ièm au clt.

Il est 18h45. Nous sommes redescendus au niveau de la mer. Il s’agit d’un port industriel. Le vent vient de se lever. J’ai besoin de boire car je pars toujours les flasques vides. Toujours le même rituel de boire 3 gobelets de coca. Je remplis mes flasques, prend une banane et c’est reparti.

Nous avons une côte de 700 mètres de D+ qui nous attend. Franchement cela va me faire du bien, les montées quand on est un peu fatigué, et bien moi je trouve cela reposant. Le paysage est sec, de la garrigue.

Le vent souffle de plus en plus fort. De plus en plus menaçant, des volutes de brouillards commencent à freiner l’ascension. Je suis toujours en T-Shirt et il va falloir penser à mettre la Gore Tex. Nous sommes entre chien et loup et le vent commence à donner des coups de gifles et, ce n’était pas prévu il y a même quelques petites gouttes de pluie. Franchement ce n’est pas une partie de plaisir. J’en profite pour mettre tout de suite la frontale.

La descente en direction du ravito suivant se fait alors de nuit. J’aperçois en contrebas des lumières entourant une grande surface noire. Qu’est-ce que c’est que cette plaine noire ? Je croise déjà un coureur qui me dit qu' »il est flat ». Déjà. La descente est très technique sous les arbres qui semblent être des pins. Zut, la pluie commence à se faire sentir. Un coureur me croise, on s’arrête tous les deux en même temps. Moi c’est pour mettre mon pantalon imperméable, lui c’est pour changer sa frontale qui est en panne. Il me demande de l’éclairer. Merci la liste du matériel obligatoire de l’UTMB qui requiert deux frontales ! Il est italien et doit avoir au moins 60 ans. Il me dit qu’il est en peine car il n’a pas de batterie de rechange pour sa deuxième frontale alors qu’il anticipe de passer une deuxième nuit sur le parcours. Las, le matériel obligatoire impose bien d’avoir également une batterie supplémentaire pour chacune des 2 frontales ce qu’il n’a, semble-t-il, pas compris ou respecté. Je ne peux rien pour lui car si je lui prêtais ma Misti (ma lampe BU) il ne pourrait pas l’utiliser car elle requiert un unique serre-tête que je me dois de conserver sur la tête pour mes 2 frontales. Je ne peux que lui conseiller lors de la deuxième nuit de suivre des coureurs et de rester dans leur sillage. Nous courrons un peu ensemble et je le laisse derrière moi.

Et tout d’un coup la délivrance et une surprise nous attend. Nous sommes au bord de la mer dans une magnifique cité médiévale. Quel cadeau ! Le parcours suit une ruelle longeant de très belles maisons datant au moins d’un siècle, le flot de la mer me berce. Il fait beaucoup plus chaud. A peine quelques piétons, nous félicitant. C’est très beau.

Ravito 2 : MOSCENICKA DRAGA km 35 / D+ cumul 1451 / 4h54 depuis le départ / 79ièm au clt.

Il est 21h54.

Toujours le même rituel, banane et trois verres de coca. Cela fait plaisir de voir du monde, et des bénévoles. Car depuis Plomin je cours pratiquement seul. Il y a un coureur sur un lit de camp, je crois que c’est terminé pour lui. Je prends quelques carrés de chocolat. La portion à venir est la plus difficile en terme de D+. Je dois me préparer à 1400 mètres de D+ one shot ! C’est la plus grande ascension de la course. Alors ce n’est quand même pas Le Catogne (1900 D+) de l’X-Alpine non plus mais quand même à ce stade de la course en pleine nuit j’appréhende un peu.

Et la pente devient très très raide. Mais comme dit plus haut, je monte en me reposant. Toujours en mettant un pied devant l’autre, je gagne en altitude et puis tout d’un coup le vent violent refait surface comme par magie. C’est très bruyant. Il commence à faire froid, la Gore Tex me protège. Mais cela se gâte. Le brouillard revient. Je suis seul et je ne sais plus ce qu’il se passe. Je ne perçois plus les rubalises qui me permettent de rester sur le parcours. Je ne sais plus quelle direction prendre, enveloppé par le brouillard. Je n’ai pas de montre avec le parcours téléchargé, la mienne ne me donne que l’heure (et elle le fait bien). J’ai une montée d’adrénaline qui coule dans mes veines, les pulsations montent. Vent violent qui fait du bruit, brouillard, je suis déjà perdu….hostile la nature non ? Je vais attendre quelques minutes avant qu’une lampe frontale vienne dans ma direction. Ce coureur a-t-il une montre GPS ? Bingo ! Je suis sa trace. Il n’est pas seul, nous allons être trois à poursuivre l’aventure. Cela continue de monter assez fort dans un sous bois de pins, puis plus rien. Nous sommes sur un chemin de crète balayé par le vent. Enfin, le sommet se signale par un panneau de randonneur. Nous commençons la descente en direction de Poklon. J’ai besoin de souffler un peu.

Ravito 3 : POKLON km 52 / D+ cumul 2883 / 8h38 depuis le départ / 76ièm au clt.

Il est 1h38 du matin.

Autant le dire je me sens rincé depuis le précédent ravito de Moscenicka Draga. Je ressens une fatigue, envie de dormir. Une sensation jamais ressentie dès la première nuit d’un Ultra. C’est surprenant pour moi. Sur le Tor il m’avait fallu attendre au moins deux nuits blanches pour me sentir fatigué (au sens d’envie de dormir). Cette sensation inédite je ne la comprends pas. N’ai-je pas assez dormi les nuits précédentes ? Bof, ni plus ni moins que d’habitude.

La descente qui suit, je ne m’en souviens plus vraiment.

Ravito 4 : BRGUDAC km 67 / D+ cumul 3117 / 10h48 depuis le départ / 73ièm au clt.

Il est 3h48 du matin.

Pas de grands souvenir de ce ravito si ce n’est qu’à la sortie lorsque je regarde le panneau qui figure dans tous les ravitos et qui indique le chemin qui reste à parcourir ainsi que le D+, je me dis qu’il reste à parcourir une TransAubrac à savoir environ 100 kms et 3400 de D+. Finalement ce n’est pas si difficile.

J’ai le souvenir que les sentiers qui suivent et que je fais de nuit sont principalement des chemins de 4*4 assez roulants. J’arrive relativement bien à relancer malgré cette fatigue qui m’est tombée dessus et dont je ne me débarrasserai finalement jamais. Je ne me souviens pas vraiment des quelques côtes que l’on doit surmonter et que je redécouvre en regardant ex-post le profil en rédigeant ces lignes.

Ravito 5 : TRSTENIK km 85 / D+ cumul 3884 / 14h08 depuis le départ / 61ièm au clt.

Il est 7h08 du matin.

Le petit jour. Au sortir de ce ravito je vais suivre une traileuse hyper forte et trapue, elle a plus de 55 ans au moins. Elle est impressionnante. On ne se parle pas, on est je pense elle comme moi complètement flingués. Le paysage que l’on traverse au levée du jour est magnifique et me fait penser au paysage provençale que l’on peut arpenter autour de la Montagne Sainte Victoire. Dommage qu’il n’y ait aucun rayon de soleil (la lumière est juste blanche) car c’est magnifique, sec, de la garrigue avec des herbes sèches couchées de couleur très claire (presque blanc comme de la neige). Je suis le sillage de la coureuse, elle semble plus en jambe que moi, je ne suis pas capable de prendre la relève. Nous allons nous suivre, nous croiser, enfin nous parler…jusqu’à 18 heures mais nous ne le savons pas encore.

Ravito 6 : BUZET km 99.9 / D+ cumul 4287 / 16h46 depuis le départ / 69ièm au clt.

Il est 9h46 du matin quand nous atterrissons sur la terre ferme de la petite ville de Buzet. C’est vraiment une étape importante, presque la délivrance car la nuit a été très dure. Le fait que cela soit un grand ravito, qu’il symbolise un peu la fin de la première partie de ce trail et notamment le fait de laisser derrière soi la majorité du D+ rassérène … même si c’est une illusion. Car le plus difficile est en fait à venir. Pour l’instant je profite des derniers hectomètres d’ici le ravito pour appeler ma femme, faire une vidéo pour mes proches sur Wa.

Toujours pas un seul rayon de soleil. Dans mon sac de change je retrouve mes brownies fait maison, des barres de blondies (toujours home made) que je déguste et découvre pour la première fois car c’était un peu la récompense que je me réservais si j’atteignais Buzet. Je déguste deux énormes plats de pâtes au beurre (des Penne) qui me rappellent mes ravitos du Tor des Géants (je ne prenais que cela en plat chaud). J’arrose cela de verres d’eau. Et c’est donc la panse bien remplie que je décide de repartir. Je pense être resté à ce ravito au moins 20 minutes.

Faisons le point :

Il reste la distance d’une SaintéLyon et avec le dénivelé d’une SaintéLyon, cela devrait le faire ça non ?

Oui mais…cela n’est pas si simple que cela.

Tout d’abord ce qui reste à courir va s’effectuer de jour (et donc avec une température plus élevée) et avec au préalable dans les jambes 100 kms et 3600 de D+ derrière soi. Donc, non les conditions ne sont pas vraiment les mêmes.

Je sors du ravito toujours habillé de mon pantalon imperméabilisé, je n’ai plus ma Gore Tex. Et puis très vite le soleil fait son apparition, comme par enchantement alors que cela n’était pas vraiment prévu par la météo.

Je vais être assez vite assommé par la température et le soleil. Je dois impérativement ressortir mes lunettes de soleil que je ne pensais pas remettre, je dois me couvrir tout ce qui dépasse autour du visage : les oreilles et la nuque. Mettre de l’écran total sur tout le reste car je sais que je risque de cramer. Cette matinée est assez difficile et les deux ascensions qui suivent sont pour moi harassantes. Je vais me laisser dépasser plusieurs fois. Ma vitesse ascensionnelle n’a jamais été aussi lente. J’ai l’impression de peser le poids d’un tank. Avec la coureuse slovène on commence à échanger quelques mots. Elle va courir l’UTMB cette année après s’être qualifiée sur une course très difficile dans le Val d’Aran. Sur la deuxième ascension on souffre tous les deux, on ne parle plus. J’ai toujours mon pantalon qui commence à me faire transpirer mais j’ai la flemme de m’arrêter et de l’enlever. Je continue même si cela m’incommode. Oui cela peut paraître étrange mais il faut savoir qu’après plus de 110 kms de course et presque 20 heures passées le moindre geste requiert des ressources que l’on n’a plus en réserve quitte à supporter une gêne. C’est une attitude irrationnelle mais assez classique sur un Ultra, enfin pour moi.

Lors de la deuxième deuxième descente on aperçoit en contrebas un énorme lac et un ravito là bas tout au bout. La température est probablement au dessus de 25 degrés. C’est quasiment insupportable. Cela cogne !

Ravito 7 : BUTONIGA km 117 / D+ cumul 5072 / 19h51 depuis le départ / 54ièm au clt.

Il est midi 51 minutes.

Franchement je n’ai pas envie de rester trop longtemps au ravito. Je décampe vite fait. Il fait trop chaud. Je continue le long d’une rivière et je fais le constat que je suis complètement rincé, totalement vidé d’énergie. Je me traîne, incapable de relancer. Je mets un pied devant l’autre. Limite je jardine. Je m’arrête enfin pour enlever mon pantalon imperméable que j’avais conservé jusqu’alors. Oui je sais c’était déjà très inconfortable depuis au moins 2 heures. J’ai perdu ma slovène. Je suis au fond du trou à ce moment là de la course, le moral est au plus bas. Il reste sur le profil de course encore 4 bosses d’environ 400 mètres à peine de D+ chacune. Je cuis littéralement sous le soleil, je suis très loin de me douter que dans moins de 4 heures … se prépare une tempête de grêle.

Il y a deux ascensions. Elles se terminent de mémoire par deux très beaux jolies villages. Au vue des boutiques et restaurants que l’on longe je comprends que la grande spécialité locale est la truffe. Le long d’une magnifique terrasse de restaurant on en hume l’odeur qui s’exhale des assiettes des clients. Je ne peux goûter mais cela semble être une tuerie ! Finalement on doit bien manger ici.

Nous savons depuis quelques jours qu’il est prévu de la pluie en fin de journée sur le parcours, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais déjà endossé ma panoplie anti-pluie dès la première nuit. Ce qui n’était pas prévu c’était le plein cagnard de début d’après midi. J’avais même hésité à prendre la crème solaire pensant qu’elle était inutile. Le ciel s’obscurcit assez nettement, le vent violent est de retour lorsque j’arrive sur cette longue route bitumée me conduisant à Livade, huitième ravito.

Ravito 8 : LIVADE km 132 / D+ cumul 5722 / 22h36 depuis le départ / 49ièm au clt.

Il est 15h36.

Il commence à faire très froid tout d’un coup. Je remets tout mon équipement anti-pluie du pantalon à la Gore Tex, je mets immédiatement la capuche. La température a probablement chuté d’environ 10 degrés. On se caille grave.

Dans l’ascension du col on aperçoit des nuages noirs comme de l’encre qui viennent dans notre direction. C’est comme dans un film, la noirceur des nuages ferait presque penser au champignon atomique. Le vent commence à être très violent. Nous atteignons le sommet où la violence du vent nous empêche de courir. Il faut lutter pour pouvoir avancer. Et soudain on sent des gouttes…non ce ne sont pas des gouttes de pluie, mais de la grêle. Et c’est la tempête. J’ai hâte que l’on redescende le plus vite possible pour être à l’abri au moins du vent. J’ai la trouille de me prendre une tuile sur la tête lorsque l’on longe quelques bâtiments en ruine. Le chemin de la descente n’est pas très technique. Et pour se prémunir du froid et du vent autant courir le plus vite possible. Face à l’adversité je retrouve mes jambes, l’adrénaline vient de couler dans mes veines, les pulsations cardiaques montent en flèche. La température doit être en dessous de 10 degrés. Et bien le froid me fait courir comme un lapin. La grêle se transforme en une forte pluie balayée par le vent. Cela commence à bien m’angoisser car ma grande crainte est d’être mouillé et de finir sous une tente (de la croix rouge) pour cause d’hypothermie. La toute dernière bosse se fait dans cette angoisse. J’ai également endossé mes gants de ski avec une double protection en Gore Tex. Je ne les quitterai plus jusqu’à l’arrivée. Cela me donne un style de boxeur runner mais c’est pour moi le seul moyen de rester au sec. Et j’arrive en toute fin d’après-midi dans l’avant dernier ravito dans un magnifique village en pleine tornade qui doit probablement être charmant et magnifique quand il fait beau. Il s’agit de Groznjan : hyper typique du pays mais je n’ai qu’une envie : quitter cet enfer et en finir.

Ravito 9 : GROZNJAN km 148 / D+ cumul 6426 / 25h13 depuis le départ / 48ièm au clt.

Il est 18h13 quand je pénètre dans la tente. Le vent souffle tellement qu’il crée un bruit d’enfer sur les bâches. Dehors il pleut des cordes. Donc loin d’être un refuge je trouve que l’endroit est dangereux. Moi cela me fout la trouille. Et si les pylônes qui soutiennent les bâches n’étaient pas assez solides et se détachaient. On se prendrait la structure sur nous et on serait blessé. J’imagine les gros titres dans le journal local du lendemain : « une tempête fait s’effondrer une tente de ravitaillement sur les personnes abritées, plusieurs blessés ! ».

Je prends mes jambes à mon cou et préfère affronter la tempête de vent et pluie plutôt que de me prendre un pylône sur la tête. Je me colle à la roue d’un autre coureur. Je sais qu’il n’y a que 7 kms d’ici le prochain ravito et que le parcours est en légère descente jusqu’au prochain bourg. J’ai légèrement froid avec mon T-Shirt recouvert de ma Gore Tex de Mickey (super légère en Shake Dry qui ressemble à un sac poubelle). Je n’ai pas le choix : pour me réchauffer il faut que je cours, et vite.

Or je vais vivre les 45 minutes les plus intenses de cet Ultra. Nous sommes 3 ou 4 coureurs à envoyer du lourd sur un chemin de 4*4. Nous allons nous relayer pour courir assez vite et de manière assez intense comme si une meute de chiens était à nos trousses. Cela requiert pas mal de concentration et d’attention pour ne pas faiblir, ne pas craquer et ne pas lâcher. L’effort est intense. Et à un moment donné le parcours emprunte un single track dans la bruyère, on ne peut vraiment courir car il y a de nombreuses pierres. Et c’est tant mieux car je commençais à lâcher prise. Je me retrouve seul, lâché par deux autres coureurs qui faisaient partie des formats plus courts (et non de la 100 miles) dont le départ était plus en aval. Enfin on arrive dans un autre village Buje. Mais la pluie et le vent sont toujours de la partie, la luminosité a fortement baissé. Il est aux alentours de 19h30… et je cherche la signalétique pour arriver au ravito. Et ce ravito je vais passer à côté de lui sans m’en rendre compte. Je ne serai pas pointé. Je me retrouve sur la route bitumée en descente et toujours pas de ravito. Je m’inquiète, mais il est où ce ravito ? Zut je ne vais pas être pointé, je vais être éliminé ! Je ne vais quand même pas revenir sur mes pas et refaire 500 mètres. En fait à ce moment là je me raisonne en me disant que le ravito a probablement été supprimé d’autant que je ne comprends pas l’intérêt d’en mettre un 7 kms seulement après le précédent. Donc je continue plutôt confiant.

La pluie s’est arrêtée mais le terrain, très boueux, est un vrai chantier. Il reste environ 10 bornes qui me semblent interminables. Il faut très souvent s’arrêter pour éviter de patauger. Manifestement c’était le déluge quelques heures plus tôt. La nuit tombe. Il reste une TREEEEES longue ligne droite dans la boue jusqu’à ce qui semble être des lumières de lampadaires de notre ville d’arrivée, Umag. C’est interminable, combien de temps reste-t-il. « On arrive à quelle heure ? » me dirait ma fille de 4 ans. Je dois zigzaguer entre les mares de boue. Parfois on n’a pas le choix et les chaussures pèsent des tonnes car complètement encastrées par de la boue qui cimentent les semelles. C’est atroce. Enfin j’arrive sur le bitume d’Umag à quelques centaines de mètres de la piste d’athlétisme de la délivrance, je prends mon temps pour frotter mes semelles crottées contre le trottoir. Et à ce moment un coureur me dépose d’un coup d’un seul comme une fusée là dans les derniers hectomètres ! Quel manque de civilité, alors que j’ai été sa locomotive dans les 10 derniers kms.

Il se remet à pleuvoir quelques gouttes au moment où j’arrive sur la piste en tartan du terrain d’athlétisme. Je franchis la ligne.

40 ièm finisher de cet « Istria one hundred miles ». Il est 20h48. Une seule envie : me doucher.

En quelques chiffres la synthèse du résultat

  • Chrono : 27h48
  • Classement : 40 ièm parmi 185 partants =>> soit classement appartenant au 3ièm décile des coureurs au départ.
  • 125 finishers (taux d’abandon de 32%) donc 40/125 =>>soit classement appartenant au 4ièm décile des finishers.
  • Score ITRA : 582

Rideau, 7 jours plus tard il est prévu de courir les 105 kms de l’Ultra Trans Aubrac (pour le récit cliquer).

Merci

A ma femme qui m’a permis de vivre cette aventure.

A mes supporters : mon frère Fab, Sylvain et François toujours connectés sur LiveTrail.

Bravo à l’organisation et aux bénévoles : c’était au top et tout à fait d’un niveau de classe « by UTMB » bien sûr…