Quantifie moi ?
Ce titre francisé ne veut pas dire grand chose, mais c’est le prétexte que j’ai trouvé pour aborder le « quantified self » que vous utilisez certainement, en comptant vos pas, vos calories dépensées, ou le temps passé devant votre smartphone.
Le premier jet de cet article date de plusieurs mois. L’écoute du podcast de Nakan « Algorithme et entrainement, faut-il les croire ? » pendant les vacances m’a donné envie de me relire, le réduire, et le finaliser pour vous parler de suivi de la charge d’entrainement en course à pied ou vélo.
Appliqué au sport, les données mesurées classiquement sont la fréquence cardiaque (au repos, au max, entre les battements avec le HRV / rmssd), la cadence de foulée, le temps de contact, mais aussi la puissance (en vélo mais maintenant en courant) et maintenant la température et le taux de glucose sanguin. Les données sont légion pour les coureurs connectés avides de chiffres (j’en fais partie !)
Et toutes ces datas s’accumulent dans des montres, des applications, du cloud…
Mais qu’est ce qu’on en fait vraiment ?
Suivi de la charge d’entrainement, de la récupération
Au delà de la simple comparaison mensuelle ou annuelle du nombre de kilomètres et d’heures accumulés (qui ne servent souvent qu’à flatter l’égo) j’ai essayé d’obtenir un suivi de mes activités pour estimer la charge de travail, la fatigue et la forme.
Le but est de me connaitre et de « piloter » l’entrainement par le nombre et le contenu des séances en fonction de cette forme et fatigue afin d’arriver au pic de forme le jour J.
Vaste programme. Je ne suis pas du tout sûr d’arriver n’arrive pas à obtenir quelque chose d’exploitable. A priori Xavier Thévenard l’a trouvé en ne prenant pas le départ de la diagonale des fous il y a quelques années car tous ses paramètres (il promeut le suivi HRV de in-corpus) étaient dans le rouge.
De mon côté, je cherche encore le bon indicateur.
J’ai aussi eu la chance de tester pendant une quinzaine de jours un capteur Supersapiens. Ce biocapteur mesure le taux de glucose dans le sang (les diabétiques utilisent le même dispositif pour suivre leur glycémie) et envoie cette information à une application dans le téléphone (ou la montre). L’idée est de suivre ce taux de sucre sanguin en fonction de l’effort pour gérer son effort et son alimentation pour le maintenir à un niveau optimal pour la performance.
Difficile de me prononcer sur des enseignements après un test aussi court. J’en sors hyper sceptique !
Vous pouvez lire les billets du doc nfkb0 si vous voulez creuser un peu.
Pour moi il faut le porter pendant plusieurs mois de préparation avant une course objectif afin de pouvoir utiliser les résultats. Mais cela à un prix (fou) qui n’est pas du tout compatible avec mon statut d’amateur…
Mon suivi
A part en 2019, année où j’ai tenté de prendre du recul et de me désintoxiquer des chiffres, j’ai toujours fait du sport avec une ceinture cardio. Depuis fin 2020 j’ai également un capteur de puissance en vélo. Mon historique de sportif connecté est intégralement sur Strava depuis 2008.
Il existe pas mal de solutions pour estimer la charge d’entrainement (trimp, TSS) basées généralement sur le temps passé dans chaque zone de puissance, de pourcentage de FC max. Cela peut être précisé si on connait certains paramètres physiologiques personnels (PMA, FTP, sv1 et sv2)
Je ne prendrais pas le temps de détailler ces modes de mesure parce que les services évoqués plus loin font ça très bien et que j’ai peur de dire des bêtises ! (j’ai fait des tests avec un cardiologue en labo, sur tapis (test vma) avec mesure des échanges gazeux pour avoir mes valeurs personnelles)
Chez strava ces données sont compilées pour tracer votre courbe de fitness / freshness (option payante).
Suunto avait dégainé le premier quand la première Ambit est sortie en 2013, par le biais d’un service d’un partenaire finlandais : Firstbeat (racheté par Garmin en 2020…) en intégrant le fait depuis quelques mois, tout comme ses concurrents Polar et Garmin par un intégration propriétaire ou par le service d’un partenaire (Fistbeat
J’ai utilisé Elevate un petit logiciel qui se synchronise avec Strava pour faire la même chose (gratuitement, mais c’est forcément moins simple). En complément de la courbe de charge, j’aime bien celles de suivi (temps, distance) et la possibilité de zoomer sur les détails de chaque séance (option payante chez Strava, compliqué chez Suunto depuis qu’il n’y a plus de service web mais l’appli progresse bien)
Vous pouvez aussi essayer Quantified Self ou le petit français Nolio.
Depuis 2023 j’utilise https://intervals.icu/ principalement pour la vue calendaire des mes activités et la personnalisation des graphiques de suivi (distance, durée, temps passé dans les différentes zones cardio).
il y a bien évidement un suivi de ma forme, de mon Fitness, basé sur les même algorithmes
Mais je trouve que ça ne fonctionne pas vraiment, où plutôt qu’il n’y a pas vraiment d’intelligence. Des courbes de charges sont tracées, elles grimpent quand je m’entraine plus, baissent si j’en fais moins, mais c’est ultra prévisible.
Je ne sais pas dire si je vais dans le mur quand la courbe atteint certaines valeurs ou si je suis « désentrainé » quand elle est au plus bas. Comme si l’accumulation de fatigue n’était pas prise en compte.
Je note aussi des pics très importants après les sorties en vélo depuis que j’ai le capteur de puissance. Comme si ces séances étaient bien plus éprouvantes que les autres, alors que le ressenti ne l’est pas.
Le calcul est peut-être faussé ou trompé à cause de la durée, souvent supérieurs à 2 heures alors que je ne cours presque jamais autant.
Quand j’avais la Suunto 9 Peak Pro en test avec sa mesure de la puissance en courant, la courbe de fitness a suivi une tendance haussière nette. C’est trop beau pour être honnête :)
Au final, je n’en tire pas plus d’enseignement qu’une simple mesure du volume total.
Suivi HRV et tentative de prédiction de l’état de forme
En complément du suivi de la charge d’entrainement, qui ne me semble pas refléter la façon dont le corps assimile les séances, j’ai mis en place un suivi de la VFC (variabilité de la fréquence cardiaque) ou HRV (Heart Rate Variability) ou encore rmssd. Vous trouverez pas mal d’articles de Pascal Balducci sur le blog Lepape et aussi ici.
Le sujet est plutôt complexe, mais intéressant !
Vous pouvez écouter cet autre podcast de Nakan dédié au sujet HRV (il est dans ma playlist pour les prochains jours).
L’idée est de prendre son pouls au saut du lit, avec une application mobile qui utilise la caméra. J’utilise pour ça HRV4 Training. Il y a aussi Elite HRV qui est son équivalent – concurrent (mais qui recommande ouvertement de ne pas d’utiliser l’appareil photo et le flash du téléphone pour s’enregistrer) ou d’autres méthodes qui ne sont pas compatibles avec mon mode de vie car elles nécessitent d’enfiler une ceinture cardio, de sortir du lit sans réveiller madame, ou des traitements logiciels chronophage.
Bilan du suivi de la charge et de la fatigue
Après des mois de suivi et souvent plus de 5 mesures par semaines dans les même conditions, je n’ai rien vu : pas de fatigue, pas de pic de forme, pas de coup de pompe qui fait que je décide de ne pas prendre le départ de l’écotrail en 2021 (heureusement vengé en 2022), ni même mon mini covid (je n’avais pas de symptômes).
Je suis déçu. J’ai arrêté, et j’ai gagné en simplicité
Pourtant le site de HRV4training dit que ça fonctionne, montre des études sur la fiabilité des mesures optiques avec l’iphone.
Aujourd’hui je mets un peu en doute cette fiabilité. Peut-être que le fait que je m’entraine moins joue aussi, mais la charge mentale et la fatigue induite devraient être vues par ce type de mesure.
Il faudrait peut-être que je recommence en enregistrant avec un ceinture cardio, quitte à le faire moins souvent. 3 fois par semaine ?
Mais les contraintes restent importantes au saut du lit conjugal !
Je mettrais peut-être cet article à jour d’ici plusieurs mois si Garmin me prête de quoi tester le body battery :)
(enfin si j’arrive à dormir avec une montre…)
D’ici là, vous pouvez consulter les meilleurs tests des gps running de Garmin chez runmag, et bien sur me dire en commentaire si vous faites un suivi de votre entrainement, de votre charge de travail.
On est dans le même bateau.
J’ai fait pendant…longtemps (3 ans?) un suivi rmssd quasi quotidien. Au bout de plusieurs mois, je pense que ça collait bien avec la charge/mon ressenti (enfin plus précisément, j’avais les bons repères. Mais c’était un peu chiant.
J’ai laissé tomber, me disant que j’avais aussi en parallèle accumulé assez de repères sensoriels et sur ma capacité d’encaissement de la charge pour estimer si ça allait ou pas.
Mais…quand on est geek…j’ai re-tenté le HRV avec une appli (et ceinture cardio, tel un chat le matin pour ne réveiller personne!) mais…pfff…
J’aime bien l’idée du monitoring continu des montres, mais j’ai trouvé ça mauvais la plupart du temps (body battery des Fenix 6, ressource des Suunto)…la faute au cardio optique? (Crap in, crap out).
Celui des polar me semble le,plus proche de mon ressenti, y compris pour le sommeil. Et présente ça d’une façon assez intelligible, mais aussi suffisamment détaillée pour satisfaire mon moi geek. Et la montre est discrète sous l’oreiller!
Ce que les sites de suivi de charge (strava, nolio, Suunto…etc) ne mesurent pas, ce sont les facteurs exogènes (stress, sommeil, maladie…etc), visibles uniquement en prenant en compte la VFC (donc les intervalles R-R).
Une méthode assez récente (DFA-Alpha 1) qui monitore (vive la France) ces valeurs pendant l’effort semble être assez intéressante, y compris pour la détermination de ses seuils (j’ai un peu trop survolé et dis peut-être des bêtises).
j’ai vu passer cette histoire de DFA Alpha 1 sur un post d’Eric Lacroix, et une petite recherche google semble montrer un fort potentiel…. d’y perdre mes soirées :)
Mais je ne comprends toujours pas pourquoi les marques mettent autant de temps à nous sortir un truc simple. Pour moi c’est un signe que ce n’est pas possible avec la recherche / techno actuelle…
Du coup l’approche de HRV4training (et d’autres je crois) qui mixe HRV et RPE pour faire des reco sur l’intensité à mettre dans sa journée reste peut-être la meilleure à ce jour.
Salut Julien !
Le blogging n’est pas mort ! Merci de continuer à le faire vivre.
Nous arrivons aux mêmes conclusions à propos de la charge externe (nos entraînements) et de la façon dont on digère tout ça (HRV).
Après avoir fait des suivis de charges externes dans tous les sens, y compris avec une bonne pondération du RPE dans un fichier perso (sur mon site si tu cherches logbook ou CTL tu vas te marrer) je n’ai jamais vu de chiffre CTL/fitness clé ou TSB avant compétition. Si l’idée était intéressante sur le papier, je pense qu’aujourd’hui ça se résume à un joli graph d’appel marketing pour TP/Strava. Il reste peut être l’indicateur de pente de progression (ramp rate) mais je trouve que c’est plus a posteriori qu’a priori car il est très difficile de faire l’adéquation entre calcul d’une charge hebdo X pour faire un ramp rate de Y et de le réaliser concrètement. Il y a aussi un risque à en faire trop pour nourrir l’algo et faire monter Fitness/CTL sans que ça se révèle bénéfique en pratique.
Sur analyse HRV et équivalents (DFA1a), pour m’occuper tous les jours de signaux biologiques, je pense qu’il y a une grosse problématique d’artefacts à régler quelque soit les systèmes (Whoop a l’air d’être le pire). HRV4T en se focalisant sur une courte période de temps fait un choix intelligent à ce sujet. Peut être qu’on va bientôt nous ressortir le patch cutané pour analyse plus pr visé nocturne ?
Je me suis intéressé à tout ça y’a bientôt 10 ans et plusieurs utilisations récurrentes d’HRV4T et pour moi la contrainte n’en valait pas la chandelle au quotidien. Je dois quand même dire que ça a probablement participé à baisser drastiquement ma consommation d’alcool.
Sur Body Battery, je le trouve assez en ligne avec le ressenti. Néanmoins je trouve son utilisation quotidienne inutile. Je peux faire une compétition de sport bien que je me réveille en dessous de 100/100. De même je ne vais pas annuler un entraînement du soir parce que je suis à moins de 50. Probablement un peu plus utile sur la tendance 3-4 jours. Si on creuse jour après jour, on verra le chiffre du matin baisser ou stagner. Mais les sensations devraient être négatives aussi… donc pourquoi un chiffre ?
Pour avoir vécu une année pleine de hauts et de bas (merci l’immobilier ;)) je pense aussi que ces outils peinent à capter les grosses tendances de fond et l’état « neurologique » ou psychologique dans lequel on est. Pour avoir eu beaucoup de stress professionnel début 2022, je pense qu’il est illusoire dans un tel contexte de faire des progrès sportifs et il y a un risque à s’entêter et nourrir un cercle vicieux…
Je pense qu’il faut donc savoir écouter ses sensations, travailler son hygiène mentale et savoir écouter son corps (appétit, sommeil, libido, érection matinale, cycles menstruels, résilience au stress quotidien, etc)
Il faut une charge d’entraînement pour progresser mais gaffe à l’explosion quand on est trop gourmand, je pense qu’on bascule vite dans une zone de danger. Il faut y aller mais savoir ne pas y rester.
On cherche une forme de graal qui nous guiderait pour l’entraînement le plus optimal… mais je pense que c’est une sorte de chimère. Il n’y a pas un entraînement clef qui change la donne, c’est une illusion mentale.
Je peux parler de ça pendant des heures, mais les textes de plus de 200 mots rebutent ;)
PS dans la série site web de suivi, j’aime bcp intervals.icu qui fait beaucoup de belles choses pour un donationware.
salut Rémi,
j’ai bien eu ton mail et ton commentaire (il a demandé une validation antispam pour une raison inconnue.
merci pour ton blog post. Je vais aller lire ça en détail, mais j’ai l’impression que tout ceux qui se sont intéressé au sujet ET (ça me semble capital) ont un peu d’expérience des prépa, des efforts longs arrivent aux même conclusions : ça ne sert qu’à confirmer des ressentis.
Mettre des chiffres (hrv, body battery, score readyness) est la touche d’objectivité, de concret qui manque aux subjectives sensations.
et +1 pour https://intervals.icu/ qui est un chouette service web qui manque à ma Suunto pour visualiser les courbes des séances, l’historique FTP
[…] Julien Djozikian a publié un billet sur la charge d’entraînement sur son blog Mangeur de cai…. Allez le lire C’est un sujet qui me tient à cœur et j’ai souvent écrit dessus avec ces billets par exemple : […]
[…] le suivi d’entrainement (historique des séances et charge globale). Pour la quantification de la fatigue, je vous renvoie à cet article […]