Compte rendu SaintéLyon 2018
Lors de ma 3ème SaintéLyon en 2013, pendant la traversée du bois d’Arfeuille, j’ai vécu un court mais marquant moment d’euphorie, en plein milieu de la nuit. C’est en grande partie pour ça que je suis revenu en 2014. Sans succès.
C’est pour cette même raison qu’en 2015 j’ai couru l’ut4m, après le marathon de Paris, l’ecotrail et la Maxirace… car ces courses ne m’avaient pas permis de vivre ce moment.
Lors de cette 65ème édition, ce moment a duré beaucoup plus longtemps. Peut-être depuis le Signal de Saint André jusqu’à Chaponost.
Trois heures de runner’s high ? C’est parti pour le compte rendu de ma SaintéLyon.
Si vous cherchez des infos sur mon plan d’entrainement pour la saintelyon, consultez cet article
Baby, Baby, Baby, Light my way !
Après avoir été déposé juste devant la ligne de départ par un chauffeur privé (merci Framboise!), je me glisse dans le premier sas en sautant la barrière en compagnie de Mag, histoire de ne pas partir de trop loin. Il n’y a normalement pas de bouchon sur la SaintéLyon (sauf mono-trace dus aux congères en 2013)
Comme chaque année, U2 galvanise la foule de frontales, qui part sur les chapeaux de roue. On retrouve rapidement Greg le coach de trail & running (mais pas Grégo) et papotons, en nous disant que si tous ces coureurs gardent la même vitesse et intensité d’effort jusqu’à Lyon, on sera dans les profondeurs du classement… :)
A Saint Christo, les sensations sont bonnes, il doit pleuvoir… je ne me rappelle plus vraiment… le ballet des frontales est bien lancé.
Avec le parcours de cette édition « spéciale » de 81km, ce premier ravitaillement est beaucoup plus loin du départ. Nous parcourons les 18,5 kilomètres et 620m de D+ en 1h50. C’est un poil rapide, mais c’est ce qui était prévu.
Nous sommes 536èmes. En 3 minutes je traverse la tente de ravitaillement, attrape 2 tartelettes Diego pour faire comme Grégo et des Pims parce que le chocolat me fait envie.
On repart sans trainer. Tout semble aller pour le mieux même si depuis les premières bosses le niveau d’essoufflement de mon compagnon m’inquiète un peu. Nous savons tous les deux que j’ai plus « la caisse » que lui en cette fin d’année, et qu’il s’attend à devoir me lâcher à un moment, mais ce départ me semble trop rapide pour lui.
Je me garde bien de lui dire car il a pas mal d’expérience, que je ne suis pas dans sa ceinture cardio et que le garçon est solide !
Je le décroche malheureusement sans bruit et sans m’en apercevoir à la faveur d’une descente. Il faut dire qu’à chaque passage un peu exposé au vent, je me cache dans ma très efficace capuche de ma veste de trail étanche Kalenji dont le bruit des frottements sur ma tête rythme mes pas.
J’arrive seul au ravitaillement de Sainte Catherine où le speaker m’annonce 300ème (et finalement 367 au classement officiel à ce point. J’ai du louper un truc), ce que je trouve bien mais pas top car je me voyais idéalement aux portes du « top 100 », et plus surement dans le « top 200 ». Mais ce sera pour l’arrivée. La course est encore longue et la fin m’est souvent favorable… il reste 50 kilomètres et je commence à avoir les crocs pour remonter au moins 100 places !
Le temps de faire le plein des flasques avec l’isostar mis à disposition par l’orga (c’était annoncé, du coup je suis parti sans recharge de poudre), de manger un peu (graines, fruits secs, fromage) je m’apprête à repartir quand mon compère arrive sous la pluie ! Pendant que je le presse un peu et que le froid commence à me serrer, un autre coureur s’étire déjà pour chasser un début de crampes… Je plaisante (et le plains) en discutant avec un bénévole. Il est bien trop tôt dans la course pour rencontrer ce genre de soucis !
La pause nous aura pris 5′ et après 3h20 de course, nous repartons pour une Saintexpress légèrement adaptée.
Sainte Catherine – Saint Genou
Après un bout de route (ça défile moins vite que pendant la SaintExpress !) la montée du Rampeau (segment strava) est vite là. Je grimpe avec pas mal de monde, mais sans Mag. Elle passe forcément un peu moins vite que les 2 années précédentes, et rappelle à bon nombre de coureurs que je double doucement, que les mollets n’avaient pas encore été beaucoup sollicités !
Au sommet, la course va prendre un joli tournant avec le passage au point culminant de la SaintéLyon : le Signal de Saint André (je ne me rappelle pas être passé par le village…) et ses 934m d’altitude.
Si à partir de là le profil est très majoritairement descendant, la course n’en devient pas plus simple et l’ambiance devient presque inquiétante. Une brume très dense et humide s’installe alors qu’une belle descente s’annonce.
Entre la fatigue, la boue et le brouillard, ce n’est pas franchement roulant. Je ne me rappelais pas qu’il y avait autant de cailloux ! Mais cette partie de la course est magnifique. Je ne vois pas plus loin que le bout de mes Hoka, mais je les remercie quand-même (et me demande au passage comment j’ai pu passer 1,5 km/h plus vite 2 ans auparavant en chaussures de trail minimalistes :)
Si sur le papier on peut comparer l’écotrail de Paris et la Saintélyon dont les distances sont semblables, cette dernière est plus vallonnée et plus piégeuse…
Arrivé sans encombre à Saint Genou, je me fais choyer par le gentil bénévole, qui ouvre et rempli mes flasques en m’apprenant que le double tenant du titre a abandonné à la suite d’une lourde chute (j’apprendrais plus tard que cette chute a eu lieu avant le départ) Je ne peux que confirmer que le terrain est assez délicat. Magnifique mais délicat…
Je crois que je n’ai rien mangé, pris un peu de temps pour vidanger mais ouvre ma deuxième cartouche de caféine que je consomme à moitié de peur de trop stresser mon estomac. La pause me prend 2’30 avant de replonger dans la nuit toujours aussi noire et humide. Ce trail-running poursuite sa dégringolade vers le Garon. Je crois que c’est là que je reprends Greg en grande difficulté. Il m’indique qu’il ne peut rien manger depuis 2 ou 3 heures et pense abandonner au prochaine ravitaillement.
Ce n’est pas la joie pour lui mais j’essaye de le pousser à s’approcher, de se forcer à ingérer des petites quantités pour réamorcer la pompe en douceur. Le gaillard trouvera les ressources pour finir la course après une bonne pause !
Sprint final vers Lyon ?
Il reste un peu plus de 35 kilomètres. J’ai remonté 140 places sans vraiment me mettre dans la rouge. Après tout, la course ne commence pas vraiment ici. C’est du moins ce que je pensais jusque là. Jusqu’à avoir écouté les conseils de Manu Meyssat pour qui il faut arriver frais à Sainte Catherine (ici pas de scoop) mais aussi (re)mettre un petit coup de nerf pour vite pousser jusqu’à Soucieu.
Physiquement c’est presque simple. Quand tu prépares une course de 81 kilomètres, si tu ne pars pas trop vite, tu dois en avoir encore pas mal sous la semelle de ta chaussure de trail et il suffit de partir doucement…
si tu as couru la saintélyon, c’est le bon moment pour te rappeler où tu étais dans le sas de départ… par rapport à ton classement final, à quelle allure tu as couru les premiers kilomètres, la vitesse moyenne des tes sorties longues…
Bon, bref, désolé pour la petite morale :)
Mais si physiquement c’est pas très compliqué, mentalement il faut se préparer à trouver les ressources pour garder le rythme. D’où le shoot de caféine sur lequel j’avais misé.
Dans la nuit
Je ne sais plus trop à quel moment le décompte des panneaux officiels a commencé, mais je les attendais ! Depuis ma première participation à la SaintéLyon ils me servent de point de repère, me font sourire aussi.
Il vaut d’ailleurs mieux les utiliser comme ça, en rire et se dire que de voir « Arrivée à 30 kilomètres » est le signe qu’il ne reste qu’une sortie longue. Comme à l’entrainement !
Malgré la pause lumineuse du ravitaillement, je crois que suis vite retombé dans mon runner’s high. Il faut dire que cette partie de la SaintéLyon est très sombre, et que les coureurs peuvent se faire rares, souvent rassemblés par groupes. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir dans cette portion de la course. 37 kilomètres de bonheur entre Sainte Catherine et Soucieux, à courir, chantonner, glisser.
A ce moment de la course, ce sont surtout des dossards rouges qui me doublent. Des coureurs de relais qui sont bien plus frais. Je distille quelques croche-pattes pour garder ma place au classement, mais quelques lueurs des frontales apparaissent trop rapidement, puis s’évanouissent dans la brume :)
Cette année j’ai eu la chance d’avoir de nombreux moments en solo. Et même s’ils étaient souvent brefs, ils nécessitaient un peu d’attention pour faire briller au loin les repères de balisage. Surtout quand la batterie de ma Nao a envoyé 3 flashs et décidé de passer en en mode « survie » après un peu plus de 5 heures de course.
Mais finalement compte tenu de ma vitesse de progression et du brouillard, les 350 lumens que j’ai pu activer avant la chute de tension n’ont servi qu’à illuminer les gouttes d’eau vaporisées autours de moi…
J’ai donc poursuivi mon chemin comme ça, et décidé d’attendre le prochain ravitaillement pour changer ma batterie. Le but était de ne pas m’arrêter (et prendre froid) ni de tenter un changement dans le noir total (forcément pour mettre la 2ème batterie, à un moment il faut débrancher la première…)
Le début de la fin ?
Comme à chaque passage lors de ce trail-running, la lumière du gymnase m’agresse et ne me donne pas envie de rester. Je jette frénétiquement mon Camelbak sur la table du ravitaillement de Soucieux. Après coup je me dis que j’ai du un peu faire peur à la gentille bénévole a qui m’a accueilli :)
Mes mains tremblent et je fais le plus vite possible (4′ entre le passage du tapis d’entrée et la sortie du gymnase) pour manger je ne sais quoi, changer de gants en étant persuadé que ce supplément de confort me fera du bien. Mes Flasques sont encore bien remplies et le prochain point n’est pas bien loin. Et surtout il ne reste qu’une bonne vingtaine de kilomètres avant de franchir la ligne d’arrivée.
Ma Suunto affiche 6h38 de course. Les 8h30 sont possibles ? 8h45 ça ferait aussi un joli compte rond non ?
Mais pour le moment il faut enchaîner. Je connais bien la fin du parcours. Il faut courir, monter les marches sans trop perdre de temps, encore courir. Je commence à avoir un peu de mal physiquement et prends un bon coup de mou vers le 70ème (il se voit bien sur la courbe cardio…). Avant ça j’ai eu des alertes au niveau du tendon d’Achille gauche (au point de vérifier qu’un petit cailloux ou une épine n’était pas coincé dans ma chaussette…), mais si ma tête à bien réussi à déjouer ce piège, ce sont mes tendons de l’aine qui se grippent, et refusent de s’étirer complètement.
Ma foulée s’allonge donc difficilement pour cette fin de course. Je me débarrasse aussi de ma frontale que je ne supporte plus et relâche aussi mon effort mentalement. Je sais que je vais finir en ayant très bien réussi ma course. Tout s’est tellement bien déroulé que l’essentiel du résultat est déjà atteint !
Sur cette dernière portion plus urbaine (mais parfois encore bien boueuse) je fais un bon bout de chemin avec Batman et son poulain Poul1. On échange sur nos expériences, les précédentes courses (il a couru l’ecotrail 2018 avec une météo aussi humide mais plus froide et nos lieux d’entraînements car nous sommes tous les 2 « parisiens » Les kilomètres semblent défiler plus vite en papotant comme ça !
La montée des Aqueducs de Beaunant se dresse vite devant mes pieds. Cette fois ça sent vraiment la fin. Ma montre, connectée à mon mobile m’a déjà envoyé pas mal de notifications. J’ai peu lire tous les sms, mais je n’ai pas le détail des WhatsApp.
J’en ai vu une de Mag, que j’ai interprété comme un mauvais signe… Il a du abandonner prématurément. Dans l’excitation du départ (il faisait doux et sec) cet andouille a laissé sa veste de pluie au fond de sons sac, et a été rattrapé par un d’hypothermie à cause de la pluie et du vent !
Au panneau 4km, j’envoie un petit message à ma famille qui doit me retrouver à l’arrivée. Je commence vraiment à en avoir plein les guiboles !
En plus de ma foulée raccourcie, le haut du corps fatigue. Je sens que mes abdos obliques ont été très sollicités par la glisse sur la boue, les déséquilibres à rattraper. J’ai fait régulièrement du gainage, mais un petit travail complémentaire et dynamique de cette zone pourrait être intéressant :)
Comité d’accueil
Le temps de dégringoler les escaliers et de traverser la Saône, la passerelle Raymond Barre où mes parents et Emma et Lisa doivent m’attendre est en vue. Mais c’est d’abord Ange qui me reconnait et partage quelques foulées avec moi (MERCI). J’aime toujours autant ces rencontres, même furtives, au delà des réseaux sociaux !
Et quelques mètres plus loin, mes parents sont là avec 2 des mes filles que j’embarque pour un petit footing improvisé tout en rigolade ! Nous prenons quand-même le temps de la pause devant les photographes, mais l’organisation ne les laisse pas m’accompagner jusqu’à la ligne d’arrivée.
Je la franchie après 8h48 d’effort. D’un coup tout s’arrête brutalement mais avec une très grande satisfaction d’un effort bien dosé. Le temps de récupérer une médaille sans valeur, et malgré le rythme lent de la fin de course, je suis encore essoufflé pendant quelques minutes. J’ai surement dû puiser dans mes ressources plus que je ne l’imaginais…
C’était ma 5ème Saintelyon (+3 Saintexpress) et sûrement la plus aboutie en terme de gestion d’effort, malgré un bon coup de mou au 70ème kilomètre…
C’était aussi la plus longue avec 81km de régalade de boue et de pluie non stop.
Merci pour vos innombrables messages de soutien, d’encouragement avant et pendant la course ✌️🤘🤙
Matériel pour ma Saintélyon
Chaussures de trail-running :
Hoka One One Challenger ATR 5 dont le test est en ligne ici.
J’ai eu la chance de les obtenir avant leur sortie officielle. Elle ne m’ont pas déçu ! Et si vous cherchez un comparatif de chaussures de trail, je vous recommande celui mis en ligne sur le journal du trail
Lampe frontale de trail
Accessoire à ne pas négliger, c’est un gage de confort et donc d’économie mentale pour aller plus vite (ou moins lentement!)
J’ai utilisé la Petzl Nao avec succès. C’est un bon phare. Mais c’était la première génération de Nao, maintenant dépassée par une nouvelle et la concurrence. Vous pouvez lire mon test détaillé de cette lampe frontale de trail vraiment très adaptée à la SaintéLyon.
Sac de trail :
Camelbak ultra pro
Au moment de mon achat, c’était un des meilleurs rapport qualité – prix – fonctionnalités. Il n’y a toujours pas de test sur mon blog, mais heureusement Vincent du Journal du Trail est là pour vous !
Veste étanche de trail
Grosso-modo, n’a pas plu sur la SaintéLyon les 45 premières et dernières minutes de ma course… Il fallait donc du bon matos (et s’en servir…) J’étais équipé de (et part) Kalenji avec une veste légère, compacte, avec une capuche, des poches. J’y reviendrai dans un article dédié avec un test mais pour résumer, c’est une sacrée bonne affaire.
Mais est-ce que j’ai été mouillé ? Oui. Forcément. La course à pied est un sport beaucoup trop actif pour ne pas saturer la capacité d’évacuation de la transpiration. Il faut donc favoriser le transfert d’humidité avec une bonne première couche…
Tee-shirt de running
J’avais prévu de courir, donc de chauffer. Et la météo n’annonçait pas des températures très basses. J’ai donc choisi le 3D run pro de Brubeck pour ses qualité hydrophobes (les fibres repoussent naturellement l’eau). C’est un tee-shirt « manches courtes » que j’ai complété avec des manchettes (j’avais peur d’avoir chaud et voulait un équipement modulable)
J’avais dans mon sac en plus de mon alimentation la couverture de survie, une batterie de rechange pour la Petzl Nao et des gants de secours.
Les chiffres de la SaintéLyon 2018
- 6326 coureurs sont passés à Saint Christo
- 6384 à Sainte Catherine (6326 < 6384 ! WTF ??)
- 5596 à Saint Genou
- 5357 à Soucieu
- 5216 à Chaponost
- 5207 et à Lyon
- Je suis classé 160ème, ce qui me donne une côte ITRA de 621.
- C’est mieux qu’un ecotrail 80k en 8 heures (côte 594) mais moins bien qu’une Saintexpress en 4h01 (639 – ma meilleur perf – de ce point de vue) Je vous laisse disserter en laissant des commentaires sur la valeur à donner à cette côte :)
Félicitations Julien pour ta performance! Tu as géré ta course à merveille. Ton récit est super intéressant aussi. Bien que je compte me limiter au trail et que je ne toucherai pas à l’ultra-trail, j’apprends de tes récits vu ton expérience. Bien content de recevoir maintenant une notification de tes billets dans ma boîte de courriel
Merci François. Ton commentaire me fais plaisir. Surtout que tu as aussi une très grande expérience de la course et une longévité que j’espère atteindre.
Je reste aussi persuadé que les blogs sont bien plus intéressants et « efficaces » que Facebook pour partager ses expériences dans que cela ne disparaisse dans la multitude des réseaux sociaux…
Et merci pour le petit mot sur l’email ;)
J’aimerais bien faire cette course un jour. Ton CR me fait rêver et j’apprends beaucoup. Bravo pour l’effort !
Merci Luc. C’est un long voyage quand même depuis chez toi :)
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Toujours bon de relire ces récits de course pour se mettre dans la course à j-1 ! hâte de vous partager ma course